Newslaitue mai - 159eme -
Bonsoir, Bonjour
" Il y a quelque chose de merveilleusement audacieux et libérateur
à dire oui à toute notre vie imparfaite et désordonnée.”
Tara Brach
On n'a jamais autant communiqué, et jamais aussi peu parlé ensemble ! Chacun peut en faire l'expérience : s'extraire du spectacle quotidien et observer, ici ou là, une assemblée de corps et de visages penchés sur leur téléphone portable. Puis retrouver son chemin, et constater que le ballet de silhouettes affairées et courbées sur l'écran de leur smartphone s'y déploie à plein régime, à tel point qu'un passant perdu demandant son chemin, comme s'il débarquait d'un autre monde dépourvu de GPS (comme moi !), apparaît désormais comme une pure incongruité, voire une source de nuisance, celui-ci ayant stoppé la trajectoire d'un de ses congénères pressés et osé... lui adresser la parole !
Il est bon, voire salutaire parfois, de tenter de sortir la tête du bocal dans lequel nous vivons au jour le jour. Serions-nous devenus des "exilés de l'intérieur" (David Le Breton in La fin de la conversation ? La parole dans une société spectrale), sujets au burn-out et à l'isolement ? Ces dangereux fantômes et fétiches qui font disparaître le lien social. Nous sommes de moins en moins ensemble, mais de plus en plus côte à côte, les yeux rivés sur notre écran, sans plus nous regarder. Cool !
En permanence prosternés sur notre portable dans une sorte d'hypnose sans fin. Certains parlent seuls dans la rue (ou dans les bois !), au café, au resto, sans crainte de déranger. Le portable comme un cinquième membre. A quand la greffe à la main ou à l'oreille ?! Relisons Seuls ensemble de Sherry Turkle, psy américaine; ou Byung-Chul Han, philosophe sud-coréen, Infocratie. Numérique et crise de la démocratie.
Le miel est l'espoir de la ruche
Le vin est celui de la vigne
Et la miche celui du blé
Pour nous, quelle saveur à notre espoir ?
La proie est l'espoir du rapace
Le venin, celui du serpent
Le butin, celui du pirate
Pour nous, quel destin à notre espoir ?
Espérer n'est pas nécessaire pour entreprendre le futur.
Réussir n'est pas nécessaire pour persévérer le présent.
Jacques Lacarrière
" Les plus grands dangers de la vie spirituelle sont l'orgueil et la rupture avec le réel, la perte de la mesure (humaine) et de l'équilibre. Les combats du quotidien parfois dérisoires, rabotent le sentiment d'être quelqu'un, d'avoir une importance. Notre "petit moi" n'a que très peu d'importance. La vraie vie spirituelle est une petite vie cachée, sans ambition, dégagée de tous les paraîtres, de tous les rôles, postures et autres masques. Une vie libérée de l'obligation d'efficacité, de productivité, de compétence, de justifier notre existence. La pure gratuité... dans la paix ! " nous invite Soeur Catherine, ermite qui a tout compris.
Perso, à 67 ans, j'en suis encore loin. Même si parfois j'y ai goûté ces dernières années, en m'offrant des temps loin de tout, de tous. Je ne suis pas encore guéri, mes amis ! " La vraie croissance passe par l'intériorité. Nous avons à conquérir notre propre nature et nous approprier tout événement, même le plus déchirant, pour aller de la jouissance jamais assouvie du paraître à la plénitude joyeuse d'être. " écrit Olivier Rabut.
« Avec le temps, j'ai compris que je n'étais pas né pour tout porter, que l'ego isole et que corriger les autres ne m'apaise pas. J'ai appris à valoriser les petites choses, à sourire, à ne pas discuter pour avoir raison. La vraie liberté s'obtient quand on cesse d'impressionner et qu'on commence à vivre pour soi, et non pour les autres. La vie, c'est maintenant, et tout ce qu'on emporte avec soi, c'est l'amour qu'on a donné. Vivre simplement, abandonner ce qui n'a pas d'importance et honorer chaque instant est le plus grand acte de sagesse. » Morgan Freeman
" Imaginer un monde meilleur, c'est affirmer que rien n'est plus important
que de manifester sa considération pour l'autre. "
Axel Kahn (1944-2021), généticien
Des livres et vous :
"Ecrire sa vie" et "Où donc est le bonheur" Marianne Chaillan (essai revigorant, un anti-guide de développement personnel !)
"Uniques au monde. De l'invention de soi à la disparition de l'autre" Vincent Cocquebert (examine les dégâts de "l'egocène"...)
"Là où je n'écris pas" Christine Veschambre (cofondatrice des revues de poésie Land et Petite, autrice d'une quinzaine de recueils)
"Bien-être" Nathan Hill (un grand talent pour aborder les infimes caricatures de notre société contemporaine, ses contradictions et ses absurdités, mais avec un regard tendre...Très bien vu, très inventif)
"Le Petit Livre de la sagesse éternelle" Henri Suso, mystique dominicain (1295-1366)
Musique émoi :
"Kama Kuntu" Christine Zayed (spécialiste du qanûn, plus luth târ, viole de gambe, flûte bansurî, improvisations modales, poésie chantée, voix d'une profonde douceur avec Piers Faccini. Tous les poèmes sont traduits dans le livret)
"Lotus Flowers" Bruno Angelini Trio (épatant ! Ces fleurs audacieuses ont le parfum du printemps. Sensuelles en diable !)
"Bach.The Complete Toccatas" Christophe Rousset (amoureux de la vie, doté d'une énergie considérable, le Cantor de Leipzig est ici traduit dans toute sa bonne humeur, sa joie. Un disque de salubrité publique !)
"Promesse" Minuit Soleil (ritournelles contemporaines bercées de confiance aussi dansantes que sophistiquées =magnifique travail voix-musique)
"L'âge d'or" Karen Lano (sensation d'être projeté dans un ailleurs...du côté des descendantes des troubadours = une révélation !)
" Il faut toujours espérer,
même quand on est lucide. "
Emmanuel Levinas
Transformons notre colère en énergie bouillonnante qui nous pousse à agir, nom d'un pangolin ! Comment pourrait-on ne pas agir ? J'oscille entre le pessimisme le plus noir et les espoirs ténus. L'humain a besoin de dominer, de briller... alors qu'en forêt, tout est dans l'humilité et la patience. Je crois beaucoup dans le pouvoir de l'expérimentation et des marges pour faire bouger les lignes. La conscience que nous sommes sur une trajectoire d'extinction oblige à cultiver la joie. C'est la suite de petits bonheurs qui font le bonheur : rire, danser, se balader, faire la fête....
Humeurs en liberté, lues dans mon quotidien :
. " J'entraîne des pigeons voyageurs pour être prêt le jour où tous les réseaux sociaux seront rachetés par des milliardaires. " ;
. " Par mesure d'économie la lueur d'espoir sera désormais éteinte. " ;
. " Si chaque jour est un cadeau, ce jeudi est un collier de nouilles. " ;
. " Mort de rire dans la farce de l'âge sera mon épitaphe. "
. " La crise de la cinquantaine c'est comme celle de la quarantaine, mais au lieu de passer la nuit à courir après sa jeunesse, on la passe à se lever pour aller aux toilettes. C'est un brin moins festif. "
Si, comme moi, vous vous sentez, vous vous ressentez, vous êtes bipolaire, voici trois podcasts pour nous éclairer : Je suis un malade mental sur France Inter, Sur le fil sur Arte Radio, Révolutions médicales sur France Culture. Carpe diem !
J'avoue que je me protège d'une actualité anxiogène en limitant ma consommation d'informations, sauf sur le site Le Média Positif. A vot' bon coeur ! Et je me tiens à distance des réseaux sociaux qui nourrissent notre paresse. Je préfère miser sur la richesse des engagements collectifs pour percevoir pleinement tout ce qui fait une vie humaine. Méfions-nous des pièges de l'émotion, dans la période actuelle. De l'émotion en politique particulièrement. Dérives du langage. Démocratie minée. S'indigner, certes, mais garder raison surtout, et sur tout ! Un éclairage actuel : " Coulée brune. Comment le fascisme inonde notre langue " d'Olivier Mannoni.
Je connais le lieu du poème, ma gorge.
Je ne connais qu'elle. Un fanal précieux la soutient.
Pierre poreuse, pierre ponce, tessons...
Je suis le nu du commencement. Sous l'arche des vents
Se déploie le soleil, empire du souverain calme.
Alors une fêlure se fait jour, l'absolu. Il règne.
Le soleil est beau, qui ne se couchera jamais plus.
Nimrod, En saison
Mon intérêt pour tout ce qui est artistique me sauve, me désangoisse, me sort de ma mélancolie, en me donnant de l'enthousiasme, du mouvement. Faire face à l'immensité de son ignorance est stimulant !
Au théâtre, quelle est la couleur des émotions ?
Remplacer la tristesse par la joie, est-ce le début d'un programme politique ?
Pensées douces, printanières,
Jacques