dimanche 8 décembre 2019

Lettre décembre 2019 - 96eme -

Bonsoir, Bonjour

"On peut, après tout, vivre sans philosophie,
sans musique, sans joie et sans amour.
Mais pas si bien."
Vladimir Jankélévitch


   Encore un mec super qui vient de quitter notre planète BZH : Jean Kergrist. Clown agitateur de son métier, également acteur, humoriste, metteur en scène, écrivain (une trentaine d'ouvrages), paysan farceur, qui a ferraillé contre "l'obscurantisme, la suffisance et la bêtise". Avouez qu'il y a du boulot ! Clown atomique à l'humour libre et corrosif, l'homme à la crinière blanche avait 79 ans, "grignoté de partout par un crabe très malin" comme il l'écrit sur son blog. Il se préparait "sereinement" depuis quelques mois "à la grande liquidation" ! "Je m'en vais aux fleurs la paix dans l'âme.... Excusez-moi de ne pouvoir vous donner le jour et l'heure précis. Rengainez vos peurs et vos pleurs, cet envol se voudra joyeux...". "La vie sans moi continuera. J'aurais eu la satisfaction d'avoir fait rire les gens, les avoir fait réfléchir et rêver aussi. Ce n'est déjà pas si mal". Un amoureux de la Vie je vous dis....

   Petit message des membres d'un groupe surréaliste :
" Alerte rouge sur les rêves !
Parce que la poésie est la seule façon de parler vrai...
Parce que la terre ne tourne carrément plus rond...
Parce qu'il y aura toujours des étoiles dans le ciel et dans les yeux des jeunes...
Parce que nous voulons pouvoir crier notre amour de la vie !
Laissez-nous imaginer des mots nouveaux;
Laissez-nous faire des métaphores, des périphrases et de l'ironie;
Laissez-nous ouvrir vos yeux sur les étoiles nouvelles;
Laissez-nous crier notre amour de la vie !
La poésie c'est de la liberté pour tous,
la poésie c'est de la mathématique musicale.
la poésie c'est un feu d'artifice d'étoiles vertes et jaunes.
La poésie c'est la vie.
La poésie c'est la vie et c'est pourquoi il est temps de faire retentir l'alerte rouge sur vos rêves.

   Cet hiver donc, au-delà des cures de vitamines en tous genres dont nous allons nous abreuver pour tenter de passer à travers les virus, n'oublions pas l'essentielle vitamine P qui nous aide à passer à travers le virus de la connerie ! La vitamine Poésie, toujours lui dire "oui", pour la Vie.

   Un peu de mon philosophe préféré en ce mois dédié à la Lumière, externe (dans nos rues) et interne (sur notre visage) : " Prendre conscience, une bonne fois pour toutes, que l'ego est conditionné pour s'inquiéter et ruiner à chaque occasion la paix et la joie. Méditer, c'est s'exercer à dire oui seconde après seconde. Oui à mes imperfections, à mes tourments. C'est une école d'obéissance, obéir au réel tel qu'il se donne, âpre parfois, doux par moments, souvent creux et aride. Les yeux qui s'arrêtent à la surface et qui jugent, empêchent bien des miracles. Déchirer l'image de soi, c'est un moyen d'avancer avec les blessures, les faux pas, le handicap, les souffrances et l'immense imperfection dans laquelle nous évoluons. La vie spirituelle m'éloigne de l'esprit de sérieux. Ne dit-on pas de quelqu'un qui a de l'humour qu'il est spirituel ?

   Une voie spirituelle n'est pas une assurance-vie ! Dès que je m'enferme dans une étiquette, la souffrance surgit. C'est la grande leçon de Bouddha. Un simple exercice : arrêter de croire qu'ailleurs, qu'après, ce sera mieux. Tout est en ordre, ici et maintenant. Au bout d'un moment, il faudra bien voir que c'est la vie qui décide. Tout au plus, on est l'époux ou l'épouse du Très-Haut. Cette idée me retire déjà un poids immense. La vie spirituelle nous rend libres : être soi-même sans nul désir de plaîre. Pour avancer dans la lumière : ne pas se prendre trop au sérieux, continuer à maintenir le cap, oublier l'avenir, s'abandonner. Bref, vivre sans pourquoi ! Avant tout, abandonner la personne que je rêve d'être.... Méditer, c'est vivre, se lever, aimer. Ne jamais oublier que tout est en même temps vain, précaire, fragile, parfait et inouï ! Les miracles, ce n'est pas seulement marcher sur les eaux mais assumer au quotidien les hauts et les bas, sortir de soi, aimer l'autre pour de vrai. Vivre avec les autres sans se déguiser est une force admirable." Tout est dit mes amis. Merci Alexandre Jollien.

"Si la poésie vous ennuie,
mangez de l'ail, ça tue les vers."
Jean L'Anselme

Enlivrez-vous ! ("Lire, c'est rêver autour." Louis Aragon)
"A Philémon" Adrien Candiard (récompensé par le prix de la liberté intérieure, petit livre qui aide à croire, penser et vivre librement...)
"Ne reste pas à ta place" Rokhaya Diallo (pour faire mentir le déterminisme social, son hashtag connaît un succès considérable)
"Les buveurs de lumière" Jenni Fagan (redonner une chance à l'amour)
"Un poisson sur la lune" David Vann (apprendre à vivre avec ses blessures)
"Le chant des revenants" Jesmyn Ward (accepter sa famille...)
"Vinegar girl" Anna Tyler (apprendre à pardonner)
"Il comblera tes désirs. Essai sur le manque et le bonheur" Sophia Kuby

Sites
www.clementose.art/un-aller-pour-la-terre (son bonheur est dans le pré...)
www.f-f-jardins-nature-sante.org (les jardins thérapeutiques de France)

Musiques
"All mirors" Angel Olsen (tutoie les anges...)
"Cry" Cigarettes after Sex (volutes sensuelles, langueur mélancolique, hypnotisant et addictif)
"Symphonic tales" Samy Thiébault (jazz et ragas indiens nous entraînent vers un ailleurs merveilleux)
"Musique ambiante française - vol.2" une quinzaine d'artistes électro (magique et paisible ballade automnale)
"Release Party" Yann Tiersen (breton... incite à la contemplation, atmosphère quasi sacrée)


"Notre chrysalide à nous c'est la parole.
Nous vivons dans un monde biologique mais aussi,
comme le papillon, dans le monde aérien de la parole."
Boris Cyrulnik

   Le mois de décembre est souvent pour moi l'occasion de relire mon année, dans ce qu'elle a de bien (le masochisme très peu pour moi !). La vie n'attend pas. La joie vaut d'être vécue immédiatement. C'est souvent une fêlure, une rupture, une cassure - voire une "armure" intérieure - qui nous conduit à chercher du sens et à prendre le chemin de la spiritualité. Une grande partie du malaise qu'on déverse sur nos congénères vient de complexes et de manques intérieurs. Alors commençons par ça, afin au moins de ne pas gêner les autres. Choisir le "grand désir" arrive plus tard, voire très tard.... La "vraie vie" est là : entre nous. Rencontrons-nous les uns les autres ! Le rendement véritable n'est-il pas dans l'instant vécu pleinement ?.... "Apprends à écrire tes blessures sur le sable et à graver ta joie dans la pierre", nous invite un proverbe chinois. Dîtes - moi : ça fait quel bruit un coeur qui se brise ? Et un ego qui s'effondre ?

   "Je m'extrais de l'impératif d'efficacité et me donne le droit de paresser. Si l'on ne fait pas quelque chose de nos rêves, de nos projets, si l'on ne donne pas forme à tout ce qui vit, vibre à l'intérieur de nous, à tout ce qui frémit, on risque d'éclater. Car il est bon de rompre la digue pour vivre follement. Il y a une saine folie qui consiste à suivre son coeur. Qui nous en empêche au fond ?.... Facile de s'en prendre aux autres, à la fatalité, à la vie alors que le plus souvent, l'interdit et la paresse gisent en nous. C'est une question de salubrité mentale que de rompre avec le quotidien pour se laisser porter par ses profondes convictions. Il est bon d'apprendre à se connaître et celà prend toute une vie. Le plus malheureux serait de se défendre de rêver, se figer dans des attitudes passées, penser "ce n'est pas pour moi" et s'interdire d'essayer.", nous interpelle Stéphanie Bodet dans sa magnifique biographie A la Verticale de soi

   La période des Voeux arrive mes amis. Et si nous en profitions pour exprimer nos désirs profonds ?  Tous les gestes fondamentaux sont des gestes gratuits. Ce sont eux qui font la beauté de notre vie.
   A bon entendeur, belles fêtes de fin d'année à chacun.e d'entre vous,
   Jacques



mercredi 27 novembre 2019


Dimanche 1er décembre
Groupe de parole-partage (7eme année, ouvert à tout individu)

" Quelles sont les limites et les bienfaits de la discipline
et de l'ascèse dans ma vie ? D'hier à aujourd'hui..."

Lieu : chez Christine au Cap-Coz/Fouesnant
14h30 - 17h00 + goûter


Parler à partir de soi, en disant "JE"; écouter l'autre sans jugement ni conseil, dans un climat de vérité, avec nos paroles qui "sonnent" vraies.
Dire qui JE SUIS véritablement, parler de ma façon de ressentir le monde, ma façon de me l'approprier.
Notre groupe de parole-partage n'est pas un groupe de thérapie. Il s'adresse à celles et ceux qui ont envie d'aller plus loin dans la compréhension d'elles-mêmes et des autres. Chacun.e veille au fait que ce que dit l'autre ne soit pas interprété par les autres, mais simplement écouté dans la confiance mutuelle.
Groupe de 10/12 personnes maxi, goûter commun à 17h00, apporté par chacun.e
Coût : adhésion annuelle à l'association 10€
Toutes les 4/6 semaines, le dimanche après-midi en général, parfois le samedi am.

Quelques "commandements" pour la bonne ambiance de notre groupe :
. Tu écouteras ton prochain comme toi-même
. Tu mèneras sérieusement le thème du jour sans te prendre trop au sérieux
. Tu ne monopoliseras pas la parole, mais tu la feras circuler
. Tu ne chercheras pas à imposer ton point de vue
. Tu ne permettras pas que l'on se moque de l'opinion ou de l'ignorance de quiconque
. Tu faciliteras la prise de parole des timides et tu aideras les bavards à la laisser à d'autres
. Tu feras preuve d'humour quand ce sera nécessaire
. Tu ne craindras pas les temps de silence qui permettent aux autres de réfléchir sereinement
. Tu te délecteras du thème du jour et le savoureras avec les autres
. ....

Co-voiturage de Moëlan s/Mer, Rostrenen, Quimper, pays bigouden....
Détails-inscriptions :  06 99 34 55 97 ou mèl EPHATA

mercredi 20 novembre 2019

Lettre novembre - 95eme -

Bonjour, Bonsoir


"Toute injustice commise ou même seulement pensée 
se vengera un jour sur notre âme,
sans se préoccuper de savoir si nous avons ou non 
des circonstances atténuantes."
C. G. Jung

   "Peut-être attacherons-nous alors enfin du prix à la seule chose qui soit indestructible, et qui n'a pas d'autre nom que celui de Dieu, qui est l'amour" poursuit Christian Bobin à la suite de la citation de Jung, dans son réjouissant bouquin La lumière du monde que je relis en ce moment. Je vous le dis et redis : tous les écrits de Bobin, je vous les conseille très très très amicalement. Autre confidence : une grande partie de ma vie se trouve encadrée par deux phrases d'André Dhôtel : "Il ne se sentait pas mûr pour cette solution désespérée qui consiste à adopter un mode de vie normal", et : "Quand on découvre un être lumineux, sans que celà ait aucun rapport avec le simple amour ou le rêve, on ne peut plus vivre comme à l'habitude". Plus de détails en tête à tête....

   Comme pas mal d'entre nous, j'ai reçu une éducation catho. A 10 ans j'étais un peu mystique. J'avais l'impression de vivre la foi comme un magnifique esthétisme. Tout ce que j'aimais y était réuni : le silence, l'odeur, l'élévation d'un lieu. J'étais émerveillé par la beauté. Je me suis éloigné de la religion catho car il y avait des choses qui me rebutaient... les histoires sur le péché, sur l'expiation. La vie est suffisamment difficile pour ne pas avoir à se sentir coupable de quoi que ce soit. Pourtant, je réalise de plus en plus que le discours sur la culpabilité que j'ai retenu étant jeune n'est pas l'essentiel du message de l'Eglise. J'y reviens. Mon passage par les spiritualités orientales, par les philosophies bouddhistes, hindouistes, taoïstes me donne envie de revenir à nos textes à nous, porteurs de choses magnifiques. Parfois, il faut faire un grand détour pour revenir à ses racines. Beaucoup de mystiques d'hier et d'aujourd'hui ont dépassé le dogme. Et vous ?....

   Entre nous soit dit, la psychanalyse est de plus en plus intempestive au temps des questions courtes et du bonheur en 20 leçons ! La ligne de démarcation entre la psychanalyse et l'ensemble des psychothérapies passe par la "négativité" que l'homme moderne ne veut guère entendre. "Avec la psychanalyse, on est du côté de la violence de la chose psychique, des conflits psychiques, de la folie privée. La psychanalyse dit : angoisse, détresse, ambivalence des sentiments, blessure narcissique, refoulement, clivage.... Le développement personnel dit : estime de soi, force de caractère, comment s'aimer soi-même, réaliser ses aspirations, devenir ce que l'on est, positiver et bien sûr méditer...." nous rappelle Jacques André.

   N'oublions pas que chacun d'entre nous porte en lui une part importante d'inconnaissable, qu'il n'est ni transparent, ni en accord avec lui-même en permanence, que nous sommes incomplets, inconsistants, impermanents, et bien trop souvent menés par nos peurs, notre angoisse de finitude, nos petites névroses. Nous reconnaitre "normosé" est bon pour notre humilité; ça nous allège, assouplit, détend,....

   Notre cerveau nous pousse à détruire la planète ! Dans Le bug humain, le scientifique Sébastien Bohier explique que notre cerveau veut toujours plus de nourriture, de sexe, d'informations et de pouvoir, et ce à cause de la dopamine. Pas très écolo ! Question du journaliste : "Peut-on faire quelque chose pour changer, et comment ?". Réponse de l'intéressé : "L'homme a tenté de modérer ses désirs, de lutter contre la tentation par la vertu. Mais ça ne marche pas. Mieux vaut trouver d'autres sources de satisfaction. Comment ? En faisant intervenir la conscience, et en étant plus présent à ce qu'on fait. Une autre voie : l'altruisme. Donner déclenche une libération de dopamine. Comme obtenir de nouvelles connaissances provoque du plaisir. Mais tout celà doit être valorisé (par l'éducation, le système, la société,...)".

   Une fois de plus, c'est ce que nous disent toutes les voies de sagesse du monde entier, et ce depuis bien longtemps : nous décentrer de notre petit moi-moi, vivre pleinement le présent comme un cadeau, et ouvrir notre coeur, le fameux "aimons-nous les uns les autres". On peut toujours espérer le changement de nos comportements humains au 21eme siècle : l'espoir fait vivre n'est-ce pas ?!.... Perso, arrivé à 62 ans, j'en doute. En tant qu'observateur du monde qui va, des comportements humains depuis la nuit des temps, force m'est de constater que le mal domine, et trop souvent même le mâle domine ! Bien sûr, c'est mieux qu'au Moyen-Age, mais dans nos sociétés, dans nos relations humaines, le mal se fait plus subtil, plus pervers, plus discret, plus sournois. Une seule solution : la révolution... intérieure... individuelle... commencée depuis les années 60, et qui se répand doucement doucement doucement comme une tâche d'huile de massage bienfaisante....

"Nos actes d'amour ne sont rien d'autres que de actes de paix...
et la paix commence par un sourire."
Mère Theresa

A livre ouvert :
"Petite philosophie des oiseaux" Philippe J. Dubois / Elise Rousseau
"Un coeur sans rempart" Marie-Laure Choplin (l'expérience d'accompagnement de la fin de la vie vue par le coeur)
"Trois foulées plus bas" François-Xavier Maigre (que ceux qui ne lisent pas de poésie n'hésitent pas à se lancer...)
"La métamorphose de Raphaël" Patrice Lepage (roman initiatique cool à lire)
"Vivre et penser la liberté" Jacques Ellul ( un autre "grand" Jacques ! )
"Le salaire de la peine. Le business de la souffrance au travail" Sylvaine Perragin (un coup de gueule salutaire !)
Héroïques. Amazones, pécheresses, révolutionnaires" Inna Shevchenko (leader du mouvement international Femen depuis 2012, elle obtient l’asile politique en France en 2013. Diplômée en journalisme à l’université de Kiev et en droits de l’homme à Sciences Po Paris, elle milite pour le droit des femmes lors d’happenings remarqués où les corps des activistes se transforment en véritable instrument de manifestation. En 2017, elle coécrit Anatomie de l’oppression (Seuil) avec son amie Pauline Hillier. La même année, elle reçoit le prix international de la laïcité)

Sites
www.ecolenoesis.org (à côté de Rennes)
www.loptimisme.com (doses de dynamisme constructif dans tout l'exagone)
www.philodefi.fr (démarche ludique via Poitiers couronnée de succès)
www.legrandsecretdulien.org (recréer le lien à la nature pour les jeunes, fondateur d'une véritable humanité)
www.terrevivante.org (connaissez-vous le petit bijou "les 4 saisons du jardinage" ?)
www.sans-transition-magazine.info (en Finistère et ailleurs)


Musiques
"Amadjar" Tinariwen (tous leurs albums nous transportent au coeur du Désert et c'est bon...)
"Joys and solitude" Yonathan Avishai (sublime)
"Stars are the light" Moon Duo (contemplation émerveillée de la danse cosmique...)
"Playing the room" Avishai Cohen / Yonathan Avishai (audace et malice, finesse et émotion : disque d'une beauté rare)
"UFOF" Big Thief (céleste, mystérieux, cosmique, éthéré, voix poignante de la chanteuse)



"Nous, Occidentaux, rêvons toujours d'aller plus loin, d'avoir plus de temps...
Nous devons nous réconcilier avec les limites et limitations de notre vie pour être heureux."
Michael Davide Semeraro, moine bénédictin italien-écrivain


   A bientôt 62 ans, il me reste à me libérer du regard des autres et du qu'en-dira-t-on. J'essaye de vivre libre dans mes contradictions permanentes. Et vous ?
   Regardons danser les enfants.... Comme moi vous l'aurez remarqué : les enfants ne marchent pas, ils dansent ! Un joli billet d'humeur avant de nous quitter, du délicieux Alain Rémond, qui sévit chaque jour dans le quotidien La Croix.
   "Les enfants ne marchent pas : ils dansent. Sur les trottoirs, leurs parents marchent posément, d'un pas régulier, comme tous les parents, comme tous les adultes. Mais les enfants, derrière ou devant leurs parents, sautillent, zigzaguent, font demi-tour, marchent à reculons, s'arrêtent brusquement, repartent en courant, avancent soudain à cloche-pied, imitent le galop du cheval, dessinent des arabesques, au gré de leur fantaisie, de leur imagination. Ils dansent sans réfléchir, c'est comme une impulsion du corps, une inspiration, une respiration, ils n'y peuvent rien, leurs pieds dansent, leurs jambes dansent, leurs bras suivent le mouvement.
   Regarder danser les enfants est l'un des plus beaux cadeaux de la vie. Il y a un tel bonheur, une telle liberté, leur danse obéit à une mélodie silencieuse qu'ils sont les seuls à entendre, qui donne le rythme à tout leur corps, qui leur donne envie de sauter, d'inventer, d'improviser, d'habiter le monde comme de petits elfes tout droit sortis des contes et des comptines.
   Nous autres, les adultes, avons désappris cette danse, nous sommes passés de l'autre côté, nous avons franchi la frontière, sans retour possible, nous n'entendons plus la musique, nous n'habitons plus les contes et les comptines.
   Alors nous regardons danser les enfants. Et nous les supplions secrètement de danser le plus longtemps possible, de continuer le plus tard possible, pour enchanter nos rues, pour enchanter nos vies."

   Durant mes vacances de Toussaint, je me suis rendu de nouveau dans l'ermitage taoïste libertaire de mes amis dans le Haut-Var, ainsi que dans le Centre international pour la Paix - Bonnevaux en construction dans le Poitou. J'ai pu lire S. Tesson, P. Djian et l'excellent livre issu d'un colloque "Le Dalaï-Lama parle de Jésus. Dialogue passionnant entre le christianisme et le bouddhisme" que je vous recommande fortement.

Très bel automne à chacun.e,
Jacques

samedi 19 octobre 2019

Lettre octobre - 94eme -

Bonsoir ou Bonjour,

"Osez prendre les vents contraires à notre époque !"
Jean Vanier


   Toutes les écoles spirituelles prescrivent la nature, les grands espaces et la contemplation des paysages : on a toutes nos chances de ressentir la présence du divin dans le souffle du vent, la splendeur des montagnes, la lumière dorée des matins de printemps... ou d'automne. Si ce n'est déjà fait mes amis, branchez-vous sur Dame Nature profonde, à ressentir seul.e, dans un minimum de silence intérieur-mental, et loin loin loin des villes....
   Notre vie intérieure peut changer le monde !....

   On ne se touche plus ! Ne sommes-nous pas incarnés ? On en voit qui sursautent même lorsqu'on leur met la main sur l'épaule.... Nous sommes dans une société où on ne se touche jamais, ou si peu, alors que c'est un besoin. C'est peut-être dans la vieillesse que ce drame est le plus grand. Ne plus être touché par personne, c'est celà qui nous tue. Il faudrait qu'il y ait plus de masseurs dans les maisons de retraite, c'est essentiel, surtout en fin de vie ! Conclusion : dansons ! Transe en danse....
   Ce qui peut nous aider à vivre et à supporter le monde tel qu'il est, je l'ai compris, c'est d'être Humain, avec un grand "h". C'est l'infiniment petit et l'infiniment grand que nous avons tous en nous. Certitude qu'il existe un autre monde, qui est déjà présent dans celui-là.... Comme d'autres, je revendique l'imperfection heureuse ! La liberté d'être ce qu'on a envie d'être, de faire ce qu'on a envie de faire, c'est celà "être soi-même".

   L'émerveillement ou l'inquiétude : tout plutôt que l'indifférence, cette mort lente du coeur. Je marche et le monde et moi n'en finissons pas d'entrer en résonance. Quel est votre nom secret ? Quelle est votre secrète résonance ? Prenons un peu de hauteur mes ami.es.... Et c'est en toi, en moi, dans chaque fibre de notre être, que dansent les flocons et les heures. Alors nous nous découvrons reliés, vertigineusement et humblement et amoureusement reliés. Passe ton chemin, homme de plans et de projets, c'est ici le monde sans projet-projection, le monde au présent, sans autre but que la vie même (la vie m'aime). Ne plus être "pour", ne plus être "quelqu'un", ou quelque CHOSE. Renoncer aux attributs. Etre. Le plus vivant, le plus présent possible.

   L'utopie, c'est partir du réel, se fixer un point suffisamment éloigné pour s'enthousiasmer, mais pas trop, pour ne pas désespérer. J'ai commencé à m'apaiser lorsque j'ai cessé de me poser des questions auxquelles je ne savais pas répondre. Je me contente depuis peu d'être ce que je fais, et comment je le fais.... Nous avons tous en commun cette fâcheuse tendance à oublier ce qui nous fait du bien, et celà au moment même où nous en avons le plus besoin. Lorsque l'on cesse de souffrir, on retrouve une capacité d'enchantement. C'est alors très utile et très contagieux à tous ceux que l'on croise. "Toute méchanceté a sa source dans la faiblesse" nous rappelle Sénèque. "Pépites humaines, pépites d'humanité nous sommes... quand bien même nous ne sommes jamais tout à fait sortis de notre placenta de glaise" nous avertit Marion Muller-Colard.

   Pour cette entrée dans l'automne câlin sous la couette, une petite réflexion méditative signée Claude Lelouch, qui, avec l'âge, a acquis trois certitudes : "Les choses ne se passent jamais comme on les avait prévues. A chaque fois que l'on dit oui ou non, celà change notre vie. Enfin, l'amour c'est mieux que la vie, même quand ça fait très mal !". Signifiant, isn't it ?!


"L'amour est une étoffe tissée par la nature
et brodée par l'imagination."
Voltaire


Des livres et vous :
"L'Ange de la force au chevet de l'amour" André Gouzes / Anne Soupa
"Anthologie de la non - dualité. Le miracle du "oui"" Véronique Loiseleur (à lire par tous les apprentis Yogis et chercheurs spirituels authentiques)
"De l'étreinte à l'éternité" Philippe Camby (les rituels de l'extase en Orient et en Occident)
"Le yoga mental" André Van Lysebeth (mon maître en Yoga : tous ses écrits sont recommandables)
"Le petit livre de la marche" Gaële de la Brosse ("Je crois à la perfusion de la géographie dans nos âmes" nous dit S. Tesson)
"Marche à l'amour" Gaston Miron (Canadien, n'a écrit qu'un seul poème dans sa vie : 800 pages !)
"Le Grand N'importe quoi" Jean-Pierre Marielle (Marielle fait le mariolle et j'adore son livre de souvenirs. Encore un bon homme qui va nous manquer...)


Sites "chésbran"
www.trilogies.org (écospiritualité et écopsychologie)
www.loisirs-pluriel.com (changer de regard sur la différence...)
www.colibris-lemouvement.org (pour rejoindre la bande à Rabhi !)
www.eudec.fr (pour une éducation démocratique)


Musiques
   "La musique, cette discipline immatérielle touchant l'émotion comme une grâce.
On sort du réel, on perd toute notion du temps pour vivre l'instant entre les instants...."

"Loops in the Secret Society" Janes Weaver (voix réverbérée, synthés vintage aux sons de cathédrales analogiques = électro-pop psychédélique, inspirée et baroque. Ses deux derniers albums sont des merveilles spirituelles et doucement dansantes.)
"Across the stars" Mutter / Williams (s'écoute les yeux fermés afin de s'élever vers le firmament...)
"Daba" Oum (ravissante voix soul, une expérience mystique...)



"C'est la fièvre de la jeunesse qui maintient
le reste du monde à température normale."
Georges Bernanos



   Le terme "enfant" ne désigne pas l'âge, mais l'âme. Alors, comment va votre âme ?!....
   L'antidote à la bougeotte mentale ? Etre là. Sachons saluer le miracle du familier. Prendre le temps. Réapprenons à voir. Lavons un peu parfois notre regard. Penser à s'en réjouir. Ce qui EST suffit. L'ami Jean Giono enfonce le clou : "Le monde n'appartient pas à ceux qui le possèdent, mais à ceux qui le contemplent". L'ordinaire recèle tant de motifs d'éblouissement. Faute de connaissance ou faute d'attention, faute de temps aussi, nous marchons en aveugle au milieu du plus incroyable des spectacles.

   Collaborer avec le vivant exige de la patience. Le temps du vivant n'est pas un temps industriel, calé par des procédures. Il oblige à accepter l'errance et l'incertitude. Je dois poser ce qui m'encombre, accepter le vide qui suit et laisser advenir le reste sans aucune garantie. Il y a alors toujours un moment de vertige....

   Je crois - de plus en plus - que celà ne sert à rien de trop se tracasser pour l'avenir, qui sait ce que sera demain.... Quant au passé, mieux vaut le prendre en compte mais le laisser là où il est, dans le passé ! Vivre le présent n'a rien d'évident. On passe souvent notre temps à souffrir du passé et à se projeter dans l'avenir. Vive les chocs ! Pour peu qu'ils ne nous dévastent pas, ils nous donnent le goût d'aller voir plus loin.  Quand nous souffrons intensément, il y a toujours un livre pour venir à notre rencontre et nous sauver du désespoir. Votre, notre sensibilité est une bénédiction. Elle va aiguiser notre perception du monde et notre capacité à nous relier aux autres.

   Autre méditation d'automne : "La liberté n'est qu'une sensation, mais j'ai toujours vécu avec la conviction que ce sentiment est tout ce qui vaut d'être recherché, pas le bonheur ou la joie nécessairement, mais la sensation d'être libre." nous dit Iggy Pop, pépé du rock. Mettons des paillettes dans notre vie !
   Plusieurs d'entre vous me demandent régulièrement qui est mon "gourou" ? J'ai eu beaucoup de "pères" sur mon chemin et encore aujourd'hui, mais celui qui reste mon thérapeute préféré, connu dans le monde entier depuis bien longtemps, porte les initiales JC (non, ce n'est pas Jacques Chirac !).

   Je ne peux clore cette Lettre sans remercier toutes les personnes qui cette année se sont inscrites à mes cours de Yoga musical ainsi qu'au groupe de parole, dont certaines d'entre vous me suivent depuis des années. C'est chaque fois émouvant pour moi de constater votre fidélité, à tel point que je me demande parfois "qu'est-ce que je vous ai fait" pour que vous m'appréciiez tant ?!
   Belle entrée dans l'automne aux mille couleurs et saveurs du potager,
   Jacques