vendredi 15 juin 2018

Lettre juin 2018 - 80eme -


Bon soir ou Bon jour,

"Deux dangers ne cessent de menacer le monde :
l'ordre et le désordre."
Paul Valéry


  "Vous ne mettrez les gens en mouvement qu'en leur proposant une histoire dans laquelle ils reconnaissent leur monde." nous avertit Jerry Brown, l'une des personnalités démocrates les plus appréciées aux Etats-Unis. Gouverneur de la Californie de 2006 à 2014, il a créé plus de 2,5 millions d'emplois dans son Etat et a épongé un déficit budgétaire de près de 40 milliards de dollars. Qui s'y colle en France ?....
 
   "La mort se caractérise par deux traits fondamentaux. Elle est certaine et elle est indéterminée. Nous savons tous que nous allons mourir, mais nous ignorons quand." (Martin Legros in Philosophies Magazine, mars 2018)
   Rescapée d'Auschwitz-Birkenau, Marceline Loridan-Ivens, 90 ans tout frais, nous envoie un petit message très spirituel : " C'est intéressant de parler de soi, d'oser dire les choses, de ne pas avoir peur. La liberté est à ce prix". Elle prône la liberté pour tout le monde, les femmes en particulier : " Pas la liberté pour la jambe en l'air ! La liberté de l'esprit, de ne pas être soumise à des dogmes ridicules, de décider ce que l'on veut dans la vie ; ça ne suffit pas de se marier et de faire des gosses. Les hommes et les femmes doivent trouver des chemins plus intelligents que la domination subie par les femmes pendant des siècles. Trouver une véritable égalité dans les moeurs, les habitudes. Le pire dans nos sociétés, c'est l'envie et la jalousie ". Sur ce dernier point - l'envie et la jalousie - c'est ce que nous disent toutes les Traditions, tous les Sages, tous les psy, tous les spi ! Lisez son dernier livre....

   Que faire de notre liberté ?... Se sentir heureux n'est pas tout, il faut sortir de soi et transformer le monde... La responsabilité vient toujours avec la liberté.... Nous sommes "jetés dans le monde" et forcés de nous demander quel genre d'être nous souhaitons devenir.... Ce qui construit le futur, c'est ce que nous décidons de faire de nos vies.... Quel monde voulons-nous créer avec cette liberté que nous avons ?....
 
   "Le développement personnel serait de toute évidence perçu par Sartre comme un moyen frauduleux d'utiliser notre liberté. parce que précisément il ne nous engage pas du tout dans le monde mais se focalise sur le regard intérieur - voire sur notre nombril. L'existentialisme a toujours insisté sur le fait que se sentir libre et heureux n'était pas tout, et qu'il fallait sortir de soi et transformer le monde pour le meilleur. Bien sûr, un meilleur équilibre intérieur permet sans doute un contrôle plus efficace de son action, et la méditation aide probablement, mais si vous aviez demandé à Sartre, il vous aurait répondu que pour que les gens aillent mieux, améliorer leurs conditions de travail et mieux les payer seraient beaucoup plus efficace...." nous rappelle l'essayiste Sarah Bakewell. Je suis 100% d'accord avec elle.
   J'ai également des atomes crochus avec Fernando Pessoa quand il nous dit : "Moi-même, je ne sais pas si ce moi, que je mets à nu devant vous tout au long de ses pages ondoyantes, existe réellement, ou si c'est seulement un concept esthétique et fallacieux de moi-même que j'ai élaboré. J'ai toujours vivement refusé d'être compris. Etre compris, c'est se prostituer."
 
   Ecrivain réputé difficile, on peut l'aborder fraternellement en se coulant dans ses phrases d'une sensibilité écorchée, déstabilisante. Derrière les noms d'emprunt se dessine une silhouette fragile et torturée. La société, il ne la conçoit pas comme une confrontation de classes sociales mais, plus simplement et radicalement, comme divisée entre "adaptés" et "inadaptés", laissant bien évidemment entendre qu'il appartient à la seconde catégorie (comme moi).
   Sa seule patrie et sa seule réalité sont la langue portugaise et les mots, "des corps tangibles, des sirènes visibles, des sensualités incarnées". Pessoa, dans ses divagations lumineuses, est le grand prosateur de lui-même, songeur dès le "petit matin, halètement dans la pénombre", plus complice avec la pluie et le soleil qu'avec un monde extérieur auquel il livre ses textes comme un défi. Namasté Fernando !


"Le raisonnable est un monstre, une prison. 
J'aime m'amuser, surprendre, vivre à fond chaque instant.
Ceux qui ont peur de mourir ont peur de vivre.
Ils respirent prudemment, en attendant la fin.
Pour moi, le plus grand danger serait de laisser mourir mes désirs."
Jacques Higelin, l'enchanteur


Enlivrez-vous : 
"La part d'ange en nous" Steven Pinker (fait l'éloge des quatre "anges gardiens" de l'humanité : l'empathie, la maîtrise de soi, la morale, la raison)
"Quelle spiritualité pour le 21eme siècle" William Clapier (offert à EPHATA par l'auteur : merci William !)
"Les Coeurs simples" Albert Algoud (douleur cachée de l'humoriste de France-Inter : met en scène "ces exclus que sont les personnes handicapées mentales", son fils étant autiste)
"La métamorphose de Raphaël" Patrice Lepage (invitation à prendre des sentiers de traverse, quête d'un monde plus fraternel)
"L'entraide. L'autre loi de la jungle" Pablo Servigne, Gauthier Chapelle (pour devenir des experts en coopération, et pas seulement en compétition)
"Faire mouche" Vincent Almendros (dissèque le système familial et ses fardeaux, ses mensonges, ses silences)
"Danser au bord de l'abîme" Grégoire Delacourt (décrit avec une intensité charnelle la montée inexorable de l'émotion d'une relation de couple)


Sites :
www.ofdt.fr (travail et souffrance)
www.imby.fr (asso architecture sociale et solidaire recherche particuliers volontaires)
www.ecocompare.com (signale les "produits vertueux")
www.wearelumos.org (fondé par J.K. Rowling pour la cause des enfants)
 

Musiques pour l'âme :
"Cigarettes after Sex" Cigarettes after Sex (langueur addictive, hypnotique, portées par la voix. Cumule jusqu'à 57 millions de vues sur Internet)
"Intégrale des cantates de J.-S. Bach" Bach Collegium Japan dirigé par Maasaki Suzuki
"They Moved in Shadow All Together" Emily Jane White (princesse du dark folk : magnifique voix éthérée, romantique, l'envoûtement n'en est que mieux garanti)
... Pensée spéciale pour la belle et talentueuse Maurane ...

"Il en va de la vie comme d'une histoire : peu importe ce qu'elle dure ; 
ce qui compte, c'est qu'elle soit bonne." 
Sénèque

   Le Pape que nous avons depuis quelques années est vraiment hors des sentiers battus par les fonctionnaires de Dieu du Vatican, et c'est tant mieux. Dernièrement, parlant du chemin d'humanité que vous et moi tentons de prendre, il a pointé des obstacles comme "la négativité et la tristesse". Il invite, en revanche, à cultiver le sens de l'humour. Sans concession, il fustige "la consommation de l'information superficielle et les formes de communication rapide et virtuelle" comme autant de facteurs "d'abrutissement" ! Le chemin vers notre humanité est une lutte constante, camarade, un combat de chaque jour... avec le sourire.
 
   Comme moi, vous avez dû le remarquer : le mouvement naturel de l'humain, plutôt que de chercher ce qu'il n'a pas en lui, préfère désirer ce qu'a l'autre. Nous vivons comme si tout nous manquait et que nous devions chercher à l'extérieur. Notre société exacerbe ce sentiment de manque et de jalousie qui commence dès l'enfance.
   "On sait que la jalousie au sein d'un couple vient souvent d'un besoin qui, dans l'enfance, n'a pas été honoré, celui d'explorer. En cause, des parents anxiogènes ou à l'inverse trop permissifs. Il nous faut prendre conscience de nos blessures d'enfant. Car toutes nos mécaniques d'adultes proviennent de ces manques." nous rappelle Carolina Costa, accompagnatrice de couples.
   Si la jalousie existe dans toutes les relations humaines, mes amis, c'est bien dans le couple qu'elle donne la mesure de son talent ! Quand l'amour s'emmêle....
 
   Parfois, des questions de ouf traversent mon esprit. Du style : "Si je devenais handicapé grave, est-ce que j'aurais autant d'amis ?". Ou bien : "Si je gagnais 50 millions d'euros au Loto demain, est-ce que j'aurais autant d'amis ?". La réponse aux deux questions est oui car le peu de vrais amis que j'ai ne sont pas des enfoirés....
   Autre type de réflexion mentale depuis que j'ai 60 ans. Nous avons perdu, ces dernières années, un certain nombre d'êtres chers qui avaient entre 55 et 65 ans. Quand je regarde depuis quelques mois la page obsèques de mon quotidien, il y en a tous les jours qui ont entre 55 et 65 ans.... Plus proche de nous, nous avons trois vrais amis, spirituels, écrivains, positifs, poètes, ouverts, tendres, humanistes, tous trois entre 60 et 65 ans, tous trois touchés, meurtris dans leur corps par une saloperie cancéreuse.
   Faudra m'expliquer un jour pourquoi de belles personnes meurent jeunes, alors que d'autres traînent leur haine humaine envers leurs frères humains jusqu'à un âge avancé.... Oui, pour quoi ?
   Je vous souhaite de prendre des risques pour vous offrir des rêves....
   Jacques