Lettre mai - 123eme -
Bonjour, Bonsoir
"Aucune pensée n'est immunisée
contre les risques de la communication."
Theodor Adorno
Vous connaissez la chanson "Le travail, c'est la santé... rien faire c'est la conserver...". Travailler moins et vivre mieux, c'est un choix à assumer. Gagner moins mais consommer et vivre différemment. Quelques peurs à dépasser pour se lancer à temps partiel : la peur d'être jugé par ses collègues, la peur de devenir fainéant, la peur du vide, la peur de manquer. On vit dans une culture du présentéisme entretenue par les managers dans l'idée qu'un bon entrepreneur doit forcément bosser quatre-vingts heures. On devrait lâcher le perfectionnisme. Savoir prioriser et dire "non" parfois. Il faut accepter le fait d'être en décalage par rapport à ceux qui triment.
Du coup on a du temps pour faire de ses mains, bricoler, jardiner, faire son pain, regagner en autonomie. On a le temps d'apprendre à faire soi-même. Travailler évite de réfléchir à soi et au monde. En faire moins permet et implique de prendre le temps de penser et de s'écouter. De se demander : Comment je me sens ? Qu'est-ce qui est important pour moi ? Qu'est-ce que je sacrifie pour mon boulot ? Un choix qui nécessite de revoir son rapport à l'argent : de combien j'ai besoin pour être bien ? !
Perso, depuis que j'ai plus de temps et moins d'argent, je m'engage dans des projets collectifs, des réseaux de partage, d'échanges. Je retrouve une communauté. J'ai un grand potager, je fais le pain familial, les courses, la lessive, la vaisselle, etc. Je contemple, ne fais rien, lit beaucoup, me nourris de musique, profite des amis, apprécie le présent, prend le temps de savourer le temps qui passe, écoute et regarde la nature qui vit.... Et vous, qu'en dîtes-vous ?
Une autre information est possible. De la responsabilité des médias "officiels" dans la désinformation collective, l'abêtissement général, le détournement de la réalité par rapport à sa diversité, souvent plus subtile et plurielle que ce qu'il en est dit à la télévision par exemple. Il devient urgent de sortir de notre entre-soi. Les médias de niche estampillés "engagés" comme Basta, Reporterre, le Bondy Blog ou StreetPress n'ont pas beaucoup d'argent mais ont un vrai lectorat, une vraie communauté. C'est bien la preuve qu'une autre information est possible. Raconter le réel dans sa pluralité, c'est fondamental pour la démocratie. Cessons d'être des moutons !
La Joie, vous connaissez bien sûr. Cette émotion qui dilate notre coeur. "Dans la joie, tout est plus large parce que je m'élargis et je m'élargis parce que le monde s'ouvre davantage." nous dit Jean-Louis Chrétien. La joie entraîne une véritable "crue de l'espace et de l'existence". Elle modifie la perception de notre propre corps (quand on fait l'amour par exemple, ou lors d'un concert magnifique,...). On devient plus grand que le monde, on est un océan, une immensité astrale - on déborde de joie, comme on dit ! Notre respiration se fait plus ample, notre corps se redresse et vibre de mobilité. Nous sommes plus vifs dans un vaste espace. La joie nous dilate. Comment nous contaminer les uns les autres de ferveur et de vie ? Merci pour vos réponses.
Autre urgence : comment en finir avec la violence qui est en nous, reflet de la violence collective ? Comment mener le combat contre le mal en soi ? Tout le monde est ok pour que cessent les guerres, alors qu'est-ce qu'on fait individuellement pour arrêter le massacre ? Je laisse la parole à Maryline Le Rigoleur, son courriel dans mon quotidien : "Est-ce parce que cette violence est en chacun de nous, que nous la justifions, que nous la condamnons, évitant ainsi un véritable face-à-face qui, seul, nous permettrait une compréhension profonde de son mécanisme, que nous nous résignons à nos conflits qui se répètent inéluctablement ?
Qu'avons-nous peur de comprendre sur nous-mêmes qui nous fasse préférer notre propre destruction à la vérité de ce que nous sommes ? La fin d'une guerre n'est pas la paix... Tant que nous n'aurons pas éliminé définitivement, radicalement, par une compréhension lucide, la violence qui est en chacun de nous, la guerre sera sans fin."
Les paroles belliqueuses et xénophobes de La Marseillaise reflètent très mal notre devise républicaine. La version chantée par Graeme Allwright serait plus appropriée pour notre siècle !
Je vous l'ai déjà dit et répété : le prédateur de l'homme, c'est lui-même. Qu'est-ce que je fais pour canaliser la violence qui est en moi ? Du développement personnel, de la thérapie ?... En un mot, je soigne la partie blessée qui est en moi. Et vous, comment faîtes-vous ?
"Le concept de "vérité", compris comme dépendant de faits qui dépassent largement le contrôle humain,
a été l'une des voies par lesquelles la philosophie a, jusqu'ici, inculqué la dose nécessaire d'humilité."
Bertrand Russell
Livres qui nous délivrent
"L'événement sera notre maître intérieur" JM Domenach
"Lettres de sagesse et d'amour" Daniel Maurin (dcd trop jeune lui aussi)
"Comme un chant d'oiseau" Anthony De Mello (disparu à 55 ans)
"La Joie du réel" Soeur Catherine (la divine auteure de Récits d'une ermite de montagne)
"Soif" Amélie Nothomb (surprenante Amélie !)
Sites
villagesaintjoseph.org (en 22, font un boulot humain hors normes...)
www.sufiheritage.com (mes amis soufis)
vasectomie.net (place aux hommes !)
www.cettefamille.com (une alternative aux Ehpad)
Musiques
"Light in The Box" Julien Alour (un Quimpérois cocorico ! Un air frais sur le jazz, un régal)
"Septem Verba & Membra Jesu Nostri" Ensemble Correspondances / Sébastien Daucé (éloge de la douceur)
"Soul for the heart" Joe Barr et Breezy Rodio (de l'amour, toujours de l'amour pour un grand, très grand moment de soul-blues)
"Solo Bach - Abel" Lucile Boulanger (l'éloquence de sa viole de gambe déploie une expressivité inouïe)
"Breathe" Nicolas Folmer (souffle de jazz, ce disque nous donnera de l'énergie, de la bonne humeur)
"Il est difficile de dire la vérité,
car il n'y en a qu'une, mais elle est vivante,
et a par conséquent un visage changeant."
Franz Kafka
Depuis l'arrivée de la pandémie, j'ai remarqué que nous sommes tous pris dans des impulsions intérieures où règne le culte du ressenti subjectif. Il est donc urgent, utile, de travailler la question de la "voix de notre conscience", à laquelle se sont référés Socrate, Jésus, Rousseau, Victor Hugo,... C'est la source où puiser !
Pratiquons la liberté du regard. Ne soyons plus enchaînés par des idées toutes faîtes, par des plis mentaux (souvent d'ordre affectif) qui rendent notre vision étriquée. Où sont la vigueur et la rigueur de l'esprit ? Il faut savoir rester en interrogation. Peut-être faut-il écouter parfois le sentiment d'étrangeté que la vie dépose en nous. Comme si on s'était trompé de planète... Devenir capable de prendre position par soi-même, de discerner ce qui est création de ce qui est imitation, c'est renaître.
Chacun de nous est une presqu'île. Nous avons tous à comprendre une chose toute simple : chacun de nous est une partie de l'univers et le tout compte plus que la partie. Il est normal que chacun pense à son épanouissement personnel, pourtant nous devrions préférer le destin du monde. Il est bon de considérer la totalité plus que soi-même.
Lâcher-prise ne veut pas dire cesser de lutter. C'est se décrisper, lutter dans la détente. C'est trouver la paix (et je ne suis toujours pas, à 64 ans, "en paix"...). Toute l'humanité est notre famille. Tous ceux qui sont en état de vraie recherche spirituelle nous accompagnent. Nous ne comprenons pas tout, nous ne comprenons même presque rien. Il faut avoir senti cela pour s'établir dans la vérité. Alors on est moins étonné, moins meurtri....
"Ce qui caractérise l'univers est d'être en devenir, mouvant, aléatoire, contradictoire, mais aussi créateur sans cesse de nouveauté. Nous sommes donc immergés, irrigués et traversés par cette réalité déconcertante nous plongeant dans l'incertitude fondamentale." nous dit Daniel Rosé
Nos certitudes ne servent que notre besoin de sécurité, et notre petit confort. Haro sur la sécurité et le confort de nos certitudes ! Place à la dynamique du provisoire...
Ne nous laissons pas intellectuellement séduire par le "négatif", véhiculé par les médias, réseaux sociaux et... nos voisins, familles, relations. Sortons de notre zone de confort, c'est le nouveau mantra actuel !
Halte à la frivolité matérialiste et consumériste ambiante qui détruit, lentement mais sûrement, toute vie intérieure. Libérons notre "fond de bonté", cher à Paul Ricoeur.
Féconde incertitude qui nous habite en ce temps que l'on vit, car les questions sans réponses sont la marque de la grandeur de l'humain.
"Si le printemps ne fleurit pas en vous, il n'y a pas de printemps" nous rappelle Angélus Silésius.
Et le philosophe Alain, que j'ai découvert à l'adolescence : "Le pessimisme est d'humeur et l'optimisme est de volonté." A méditer...
Au fond, la vie est un cirque, une comédie, une tragédie à l'intérieur de laquelle on s'agite.
Bises fleuries de printemps chaud,
Jacques
PS : un peu d'humour dans ce monde de brutes. Lu dans mon quotidien : "Alors que je plie ma troisième brassée de linge, j'envisage de devenir nudiste. Puis je me rappelle de quoi j'ai l'air nu, et je continue à plier !"
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