mercredi 18 décembre 2024

 Newslaitue décembre 2024 - 154eme -

Bonsoir, Bonjour

" Si nous prenons la nature pour guide,
nous ne nous égarerons jamais. "
Cicéron

   De ma quête de la princesse charmante à mon émancipation des schémas imposés, je m'interroge sur les différentes façons d'aimer (et de se quitter). Nos ruptures amoureuses nous conduisent à nous réinterroger complètement sur notre rapport à l'amour, au couple, à l'amitié... Cela nous fait réfléchir à la façon dont nous nous sommes construits, aux schémas avec lesquels nous avons grandi. C'est quoi l'amour ?!... S'y aventurer avec beaucoup d'humilité. Partir de notre intimité, de notre vécu, pour essayer d'apporter un point de vue singulier. Ce qui est sûr, c'est que j'ai passé ma vie à être amoureux ! Cela part de notre adolescence où nous cherchions le grand amour, cette personne avec qui partager notre vie entière. Avant de finalement déconstruire tout cela !

   Quid des "amours pluriels" ?... Dans nos représentations, l'amour reste une chose très empreinte de romantisme, basée sur une structure hétéropatriarcale. On le voit dans les films, dans les livres... Cela nous imprègne fortement. Il est donc important de nous demander s' il n'y a pas d'autres façons d'aimer. Et également de se quitter ! On sait qu'il est très rare de rester en couple avec la même personne toute sa vie. On a cette idée qu'une histoire doit forcément se terminer dans la douleur, dans la violence, dans la colère... Alors que non. Si une relation amoureuse est belle, c'est parce qu'on sait qu'elle peut prendre fin à tout moment. Une histoire qui se termine, il faut aussi en prendre soin. Il faut parfois savoir abandonner pour être heureux.
   Et vous, comment faites-vous ? Comment vous l'avez vécu ? Le vivez ?...

La vie voyage
Aucune marche
Aucune navigation
N'égalent celles de la vie
S'actionnant dans tes vaisseaux
Se centrant dans l'îlot du cœur
Se déplaçant d'âge en âge

Aucune exploration
Aucune géologie
Ne se comparent aux circuits du sang
Aux alluvions du corps
Aux éruptions de l'âme

Aucune ascension
Aucun sommet
Ne dominent l'instant
Où t'octroyant forme
La vie te prêta vie
Les versants du monde
Et les ressources du jour

Aucun pays
Aucun périple
Ne rivalisent avec ce bref parcours

Voyage très singulier
De la vie
Devenue
Toi 
Andrée ChedidEpreuves du vivant

   Comment récupérer notre concentration ? Notre capacité d'attention est en chute libre, pillée par les écrans et les réseaux sociaux. On peut agir pour la préserver et la récupérer. 
   . Réduire le débit d'informations : la lenteur nourrit l'attention, la vitesse la pulvérise ! 
   . Arrêter de jongler : en étant constamment distraits par des messages. A court terme, ce jonglage est deux fois plus néfaste pour notre QI que lorsque nous fumons du cannabis ! 
   . Identifier nos "déclencheurs internes" : souvent, on s'interrompt pour consulter notre smartphone afin de se distraire d'un état émotionnel pénible qu'on cherche à fuir. On peut essayer d'identifier la situation qui provoque cette envie, et trouver une parade. 
   . Retrouver notre flow : état de réflexion profonde où l'on est capable de se concentrer pour trois raisons : parce qu'on s'est défini un objectif précis, parce qu'on fait quelque chose d'important pour nous et que cela frôle les limites de nos capacités. 
   . Laisser notre esprit vagabonder :  forme cruciale d'attention, comme dans la marche quotidienne (sans smartphone !) par exemple. En laissant libre cours à nos pensées, notre esprit traite le passé, se projette dans l'avenir et établit des connexions. Sinon, sans cesse distrait, on développe une obsession pour les messages insignifiants de l'extérieur et on perd de vue nos objectifs plus profonds. 
   . Remettre en cause le système : les applications, sites, réseaux sociaux sont conçus par les plus grands cerveaux de la planète pour pirater notre attention ! Il faut s'en déconnecter désormais totalement six mois par an, en plusieurs fois, et en l'annonçant. L'on peut également rejoindre les groupes luttant contre le fonctionnement actuel des entreprises qui nous volent notre attention !... (tiré de l'ouvrage On vous vole votre attention, par Johann Hari, journaliste britannique).

" Il vaut mieux être un levain,
qui change la nature de la pâte,
pour changer la société. "
Jacques Ellul

Des livres et vous
" La littérature est une augmentation, une amplification de la vie."
"Il y a un autre monde" André Frossard
"Peut-on encore être galant ?" Jennifer Tamas (excellent petit livre 60 p. qui ouvre des perspectives réjouissantes, qui intéresseront autant les féministes que tout un chacun...)
"Un sens à la vie" Pascal Chabot (pourquoi sommes-nous là dans ce monde ? "Exister, c'est désirer du sens"...)
"Sept Vieilles Dames et la mort" et " Qui est vieux ici ?" Véronique Fournier (super médecin cardiologue atypique et dérangeante pour qui "Vieillir est une chance")
Tous les recueils de Hélène Dorion, Anjela Duval, Anne Perrier, Michel Dugué, Maya Angelou, Andrée Chédid : femmes ET poètes !

Musiques
" Plus une musique est belle, plus elle crée d'espace, et celles-là vont ouvrir des portes derrière les étoiles... "
"My Light, My Destroyer" Cassandra Jenkins (se nourrit de beauté de l'inconnu et du cosmos, douceur de la voix : sublimes brumes sophistiquées)
"Sonido Cosmico" Hermanos Gutiérrez (nous montre les étoiles dans un ciel dégagé, disque contemplatif, atmosphérique...)
"Harmonics Domino" Joe Goddard (aimant, romantique et amusant... inclusif, empathique et harmonieux !)
"Moondial" Pat Metheny (album solo magnifique, empreint de sérénité)
"Here and Now" Walid Ben Delim (voix mystique, poésie soufie et harpe classique = amples mélodies, notes cristallines : enchantement total !)


" Les premières places ne sont pas intéressantes,
celles qui m'intéressent ce sont les places à part. "
Cocteau

   Etre heureux. Osons les grands mots, puisque c'est au fond la recherche la plus commune de l'humanité. Et si la clé était moins dans ce "dépassement" quasi élevé en culte par l'époque que dans le décentrement ? Autre façon - moins égoïste, plus sociale - d'aller au-delà de soi-même. J'ai l'impression qu'on vit dans un monde où la représentation de soi prime sur l'envie de rencontrer l'autre... vraiment, et simplement. A méditer...
   Rester optimiste dans un monde au bord du... because le pessimisme tend à favoriser à titre individuel un mal-être mental. Comme le disait Antoine de Saint-Exupéry" Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir mais de le rendre possible ". Pour cela, il apparaît primordial de voir la réalité telle quelle dans toute sa complexité ; de cultiver un état d'esprit "solutionniste" en partant du postulat qu'il doit forcément exister des solutions aux difficultés que nous rencontrons collectivement et aux défis auxquels nous avons à faire face, y compris les plus périlleux d'entre eux comme le dérèglement climatique ou le conflit au Proche-Orient.

   Et de ne pas oublier que le pessimisme tend à favoriser à titre individuel un mal-être mental et à titre collectif à rogner les fondements mêmes de la démocratie, les extrémismes politiques se nourrissant largement du déclinisme et de différentes formes d'anxiété, notamment culturelles. Les médias reflètent ce que disent les gens, les gens reflètent ce que disent les médias. Ne va-t-on jamais se lasser de cet abrutissant jeu de miroir ? Le bouche à oreille reste le meilleur des médias. La rumeur ? Le plus vieux média du monde. Celui qui contrôle les médias contrôle les esprits. Bolloré l'a bien compris ! Les médias s'intéressent davantage à la nouveauté qu'à la vérité. Comme le disait Coluche : " On ne peut pas dire la vérité à la télé ; il y a trop de monde qui regarde. "
   A méditer, camarades !

Cette planète Terre est un paradis de beauté. Nous n'en avons pas de rechange.
Et si les liens tant désirés étaient juste sous notre nez ?
Pensées amicales,
Jacques



lundi 18 novembre 2024

 Lettre novembre - 153eme -

Bonjour, Bonsoir

« Il faut résister aux occupations et, 
loin de les poursuivre, les repousser toutes. » 
Sénèque

   Des efforts ? Oui mais... point trop ! Chaque jour, efforts physiques, intellectuels, mais aussi émotionnels. Notion d'effort longtemps colonisée par la morale et la religion, pas simple de nous y retrouver. Attention à ne pas masquer nos ressentis émotionnels, gast ! Se demander quel est le sens de ces efforts, s'ils coïncident avec nos valeurs, produits pour une utilité dans mon quotidien et mon bien-être ou pour faire seulement plaisir et exister face aux autres ?... Solution : bien connaître nos besoins et envies. Mais... nous aurons toujours besoin de produire un peu d'efforts pour être heureux !

   Cela fait plus de quarante années que je pratique le Yoga. Je l'ai enseigné durant vingt-deux années. Le désir de yoga est toujours à interroger, car il peut tout aussi bien venir fortifier une pathologie, renforcer les traits défensifs du caractère, qu'alléger la vanité de celui qui souhaite s'en déprendre. Il devient ce que l'on fait de lui.... " Soit il poursuit le vœu inconscient d'échapper au monde, d'échapper au conflit, de fortifier la maîtrise ou le " je n'en veux rien savoir ", soit il succombe aux vérités inattendues et le symptôme s'en trouve mis à nu. Une différence se dessine entre un yoga de jouissance et un yoga de travail. " nous avertit Christiane Berthelet-Lorelle, psychanalyste, dans son ouvrage La Sagesse du désir.

   Il y a des façons opposées de pratiquer le yoga. Soit on s'efforce de travailler intelligemment, au service de la vie, dans un esprit de clarté et d'équilibre ; soit on renforce ses tendances pathologiques... La régression vers la fusion océanique... aggravée d'une vénération infantile pour le maître. De vraies junkies ! Mais bon, nous ne sommes pas les seuls à nous "percher" grâce au yoga : c'est trèèèès courant ! Narcissisme et obsession de la performance, désir de contrôle et de toute-puissance, retrait dans une bulle d'indifférence et de détachement, engourdissement de la pensée pris pour le samadhi, mécanismes de déni sous prétexte de "suppression de l'ego", refus de l'altérité au nom du fantasme d'unité, aspiration à retrouver le paradis perdu... on voit beaucoup ces profils dans le monde du yoga, n'est-ce pas ? Et c'est logique, car ces dérives correspondent à des interprétations répandues : on entend souvent que le yoga serait l'arrêt de la pensée, l'extinction de l'ego, le silence définitif, l'absorption dans l'absolu, la béatitude sans manque, l'unité parfaite... Mais ce sont des illusions, des contresens.

   Le but n'est pas de se percher dans une zénitude béate ! Il ne s'agit pas de cultiver le déni, la fuite dans un au-delà illusoire, l'absence de lucidité. C'est facile de se complaire dans une paix de zombie ; mais à la longue, c'est la catastrophe assurée.... En fait, dans le yoga il n'y a pas de rejet de la pensée. Au contraire, l'intelligence (buddhi) y est célébrée. " Patanjali ne parle à aucun moment de l'arrêt du mental lui-même, mais de la suspension ou de l'orientation de ses activités ou de ses perturbations (vrtti). Cette précision semble de toute importante, car nombreux sont ceux qui laissent penser que le yoga est une lobotomie organisée. " (Ibid. page 306). Le mental est un bon serviteur, mais un mauvais maître. Car, avouons-le : nous sommes tous assez névrosés, non ? Notre soif d'unité et d'absolu, c'est la soif de tous les humains depuis la naissance, ce déchirement dont on ne se remet jamais vraiment... Ne cherchons plus à l'extérieur. Ne demandons plus à autrui de nous sauver, de nous éveiller ou de nous combler. Vouloir trouver le divin dans un humain, c'est une confusion déplacée !

   JE SUIS là, et nous le savons, vous et moi. Dans le souffle qui va et vient... dans la pulsation du vent et du sang... dans la vie qui danse à chaque instant.... C'est cela qu'enseigne le Yoga. L'absolu n'est pas un lieu, mais un mouvement. Il est temps de nous remettre en mouvement !... Dans cette reconquête, les niyama de Patanjali sont un précieux garde-fou : se purifier de ce qui nous encombre, s'efforcer avec ardeur, se contenter être heureux, s'étudier apprendre à se connaître, s'abandonner au mouvement de la vie, processus d'évolution. Tout change... Écoute, présence, attention au vivant. Le gourou est en toi !

   " Je suis la preuve vivante que le yoga ne sert à rien. Ça fait cinquante ans que je pratique, et je suis toujours aussi con ! " rigole Eric Baret, maître de yoga tantrique. L'essentiel du yoga est caché, même quand il n'est pas caché. Subtilité, métaphore, double sens existentiels. Inspir, expir. Poésie et ligne de vie. Là dans l'instant. Tout est là !

Jeu réel
Si tu as du temps pour bavarder
Lis des livres
Si tu as du temps pour lire
Marche - montagne, désert, océan
Si tu as du temps pour marcher
Chante, chante et danse
Si tu as du temps pour danser
Assieds-toi tranquillement, veinard d'imbécile heureux !
Nanao Sakaki (1923-2008)

mais encore :
" Le ciel toujours bleu /
La lune toujours pleine /
La mer toujours haute /
Toi, toujours à te plaindre. "

« N’hésitez jamais à partir loin, au-delà de toutes les mers, 
toutes les frontières, tous les pays, toutes les croyances. »
Amin Maalouf

Enlivrez-vous :
" La littérature est une augmentation, une amplification de la vie."
"Comment vivre sur la planète terre (Oeuvre complète)" Nanao Sakaki (idéal pour se laisser porter par une voix mêlant contemplations et chronique piquante de nos moeurs contemporaines)
"Soie du feu sur l'étoffe du ciel" Alain-Gabriel Monot / Aïcha Dupoy de Guitard (une vie d'Emilienne Kerhoas, un vrai bonheur poétique cette dame !)
"Striatum, comment notre cerveau peut sauver la planète" Sébastien Bohler, neurobiologiste (le bonheur : une recherche sans fin ? Fruit de nos projections sociales, mais aussi des armes que notre cerveau primitif a développées pour survivre au fil des millénaires...)
"La clôture des merveilles" Lorette Nobécourt
"La Voix des fantômes. Quand débordent les morts" Grégory Delaplace (interroge les rapports mouvants des vivants à ceux qui sont partis...)

Musiques
" Plus une musique est belle, plus elle crée d'espace, et celles-là vont ouvrir des portes derrière les étoiles..."
"Una Notte Onirica" Ensemble Agamemnon / François Cardey (l'un des plus beaux disques de musique baroque du moment... ferveur enchanteresse)
"Lieder, Mozart, Richard Strauss" Sabine Devieilhe / Mathieu Pordoy (un disque de tendresse qui nous invite à l'union...)
"Gabriel Fauré. L'intégrale pour piano seul" Lucas Debargue (admirable dans la précision comme dans la richesse des nuances)
"Gabriel Fauré. La bonne chanson/L'horizon chimérique" Stéphane Degout, Alain Planès ( mais aussi Fauré et ses poètes, florilège de mélodies par Marc Mauillon et Anne Le Bozec. Sensuel et lumineux...)
"MoonDial" Pat Metheny (guitariste au jeu aussi soyeux qu'inventif = une sensation d'infini...)

" Le silence, le contemplatif le sait, est cet espace 
qui précède le moment où le Très-Bas s'adresse à nous. "
Joan Chittister

   Je rentre de trois semaines de "retrait" médiatique et humain, au sein de mon ermitage taoïste libertaire préféré, dans le Haut-Var, que je côtoie depuis plus de 40 ans. Découverte par la rando du massif de la Sainte-Baume, de villages perchés tous plus magnifiques les uns que les autres, les hauteurs du Lac St-Croix, les Gorges du Verdon et ses vautours, etc. Le tout sous un ciel bleu solaire permanent !
   J'ai profité de mon séjour pour relire l'un de mes écrivains préférés : Christian Bobin. Relu La Plus que ViveAutoportrait au radiateurLe Très-BasLa Part Manquante.... Je vous invite - vivement - à vous replonger dans les ouvrages lumineux et dérangeants de cet homme rare, précieux, trop tôt parti lui aussi.
   Ces séjours réguliers dans ce lieu de silence, comme dans d'autres également, plusieurs fois par an, me permettent de reprendre conscience de notre "agitation mentale" permanente. Surtout depuis la vogue des réseaux sociaux et de l'info en boucle qui nous minent l'esprit. Quelque part, nous sommes en train de devenir "fous" ! Pas la douce folie nécessaire pour vivre vraiment, mais celle anxieuse, inquiète, qui nous agite dans tous les sens, et nous fait agir pulsionnellement. 
   Pas cool ça !

Je vis pour ce qui n'a pas de poids
De couleur ni de prix
L'insensible douceur
De tes mains
Ton visage aux chemins
Interdits
Ton silence qui me détruit
Le coeur
Ta lumière comme un bandeau
Sur les yeux
Eux disent que c'est folie
Moi je dis c'est l'amour
Ainsi soit-il
Anne Perrier

   Révélation estivale : que reste-t-il de l'espérance du monde que nous pensions transmettre en ayant des enfants ?
   On ne redira jamais assez l'importance de la lecture de romans et de poèmes dans le parcours de maturation personnelle !
   Bises d'automne coloré,
   Jacques




lundi 30 septembre 2024

 Lettre octobre - 152eme -

Bonjour, Bonsoir


" Le sublime lasse, le beau trompe,
le pathétique seul est infaillible dans l'art.
Celui qui sait attendrir sait tout."
Alphonse de Lamartine

   Le mois dernier j'ai de nouveau rendu hommage à deux belles dames. Plusieurs d'entre vous m'ont rappelé qu'il en existe quantité d'autres. Un homme sur deux est une femme ! Benoîte Groult, Rebecca West, Sappho, Colette, Lou Andreas-Salomé, Virginia Woolf, Marie Rouanet, Hypatia, Louise Labé, Claire Demar, Monique Hébrard, Hubertine Auclert, Flora Tristan, Taslima Nasreen, Hélène Cixous, Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Louise Michel, Suzanne Voilquin et bien d'autres m'inspirent. En fait " Je suis redevable aux femmes de tout, depuis mon enfance. La femme a ouvert les fenêtres de mes yeux et les portes de mon âme. Sans la femme-mère, la femme-soeur et la femme-amie, je serais resté endormi parmi ceux qui cherchent la tranquillité du monde en ronflant." nous dit Khalil Gibran.

   L'infini me paraît l'élément naturel de l'âme. Je ne suis pas tellement satisfait d'être un homme. J'aurais préféré être un ange ! A quoi bon s'attarder sur cette planète frappée de précarité, qui ne m'offre pas plus d'appui qu'un reflet dans l'eau ? Or, sur la terre, il n'est d'anges que d'une sorte : les contemplatifs. Ah, respirer l'odeur de la vie contemplative... Le ciel est notre élément naturel. Est-ce que le poisson se plaint d'avaler trop d'eau ?!... J'ai appris surtout la différence entre la contemplation et la vie contemplative. Le contemplateur prend, le contemplatif donne. La vie contemplative est la rude et laborieuse désappropriation de soi.

   Pourrais-je imiter ce renoncement ? Il ne suffit pas de ne pas être attaché pour être capable de renoncement. Contempler, c'est devenir ce qu'on regarde. "Le poète est celui qui voit sans regarder." nous dit Paul Claudel. L'amour humain, aussi, est un grand bonheur, surtout quand on sait qui le rend possible.... " L'amour, c'est ce qui fait exister l'autre." nous dit André Frossard.

" Et nous restons dans l'existence
à chercher notre chemin,
à chercher notre vérité
dans la terrible présence de l'enfance
qui se perpétue dans l'âge,
avec l'espoir que nous serons dignes enfin d'elle,
et vivrons alors l'enfance comme des grands,
comme des hommes. "
Frédéric Boyer

   Je vis en cohabitation avec mon enfance, ses obscurités, ses grandeurs, ses limites et ses clartés. Je suis un chercheur de lumière, un explorateur de soleils cachés. J'ai en moi, comme une cicatrice, la conviction inébranlable que, derrière les apparences ou sous la crasse des petitesses et des mesquineries humaines, une lumière intense pousse le temps et les corps vers un centre d'amour. Un feu. C'est ma force et ma misère. Ce que je vois, je le sais sans le savoir, n'est à mes yeux qu'un revers des choses.

   Je suis et ailleurs et rarement bien ici. Je vis entre deux mondes. À la marge. C'est mon secret. Pour moi, l'humain est un mystère immense, une galaxie d'éclats et de diamants bruts comprimée dans du quelconque. Depuis toujours, je dialogue discrètement avec des mondes amis. D'autres frères. D'autres peuples. Je suis fou !... Fou de Sens. C'est une quête qui mange ma vie. J'y laisserai ma peau, mais mon âme échappera à la mort.

   " Je ne sais pas d'où je viens. Je veux dire avant. Avant de plonger dans le temps et l'espace, de recevoir un nom terrestre. Avant de jouer Jacques. Regarder le ciel, c'est regarder d'autres frères et les yeux des cousins. C'est aussi crier et demander de l'aide pour une planète qui pleure. J'ai toujours eu le sentiment d'être un visiteur, un nomade. Un imposteur parfois. Naître ci, c'est faire halte le temps d'une vie, ou deux. Dans l'auberge du temps. C'est passer. Comment maintenir en paix le royaume ? Je trouverai des parcelles de réponse dans les songes, les rêves éveillés et les bénédictions de la vie. 

   Dans les nuits d'amour qui transmutent nos corps en prières. Dans l'observation du ciel et du dedans. Dans les larmes aussi. Celles des autres et surtout les miennes, si chaudes que je les prends pour du feu humide. Depuis longtemps, seuls la plage et le rythme des marées peuvent m'apaiser et introduire en moi une impression d'assise intérieure. Ma chair redevient confrérie. 

   Je marche entre le sec et l'humide comme un funambule. Je suis un enfant qui avance entre les mondes. Sur la ligne. Un gamin dans un corps marqué par le temps. Un vieil homme alerte qui découvre, ébahi, la beauté du jour. Un adolescent qui porte un million d'années. Mes yeux fixent les mouvements de l'eau et j'écoute ses sonorités. En couches superposées. À la jonction, toujours. Je me dis aujourd'hui que le temps n'a peut-être qu'une fonction : guérir. Relever. Je sais déjà que l'on me reprochera ce besoin de lumière, ce souci de faire surgir le beau. 

   Notre époque aime par-dessus tout les récits tristes, tragiques et les blessures ouvertes. Elle se nourrit de ces scénarios en boucle. Est-ce l'inévitable résultat de blessures immenses et bien réelles ou est-ce - aussi - la fatigue d'espérer qui contamine notre intériorité et cadenasse nos sanctuaires intimes ? " nous écrit Michel  Desmarets, dans son magnifique roman, qu'il m'a offert, La plage d'après.

" Et si je m'en vais avant toi, dis-toi bien que je serai là
J'épouserai la pluie, le vent, le soleil et les éléments
Pour te caresser tout le temps, l'air sera tiède et léger
comme tu aimes. "
Françoise Hardy, 1972

" La joie, c'est être présent à plus grand que soi. "
Gilles Deleuze

Enlivrez-vous :
"La Splendeur du monde" Laurence Devillairs (aller à la rencontre de la beauté)
"Yoga Shalala" Jeanne Burgart Goutal / Aurore Chapon (récit intime, vibrant, déroutant, documenté, de son odyssée à travers les terres escarpées du yoga...)
"Immortelle randonnée. Compostelle malgré moi" Jean-Christophe Rufin
"Elsa" Aragon (une magnifique déclaration d'amour...)
"La musique éveille le temps" Daniel Barenboim (ce que la musique peut apporter à chacun de nous, sa place dans la société)

Musiques
" Plus une musique est belle, plus elle crée d'espace, et celles-là vont ouvrir des portes derrière les étoiles..."
"Chapter II : how dark it is before dawn" Anoushka Shankar (fille de Ravi S., l'extase de l'aube, comme dans un rêve... lumineux !)
"I wanna be like you... Bach, Mendelssohn, Prokofiev..." Florian Noack (artiste sensible, pianiste belge = allégresse contagieuse, expérience enivrante)
"Roh El Fouad - Âme de coeur" Mohamed Abozekry (prodige égyptien du oud, douce extase, audace technique, planantes mélodies arabophones = transporte de bout en bout...)
"Here in the pitch" Jessica Pratt (neuf aubades éthérées, une voix caressante = album d'une sibylline beauté)
"Trios pour piano, violon et violoncelle de Johannes Brahms" Trio Söra (superbe album au diapason de l'âme et des intentions du musicien romantique)

" Plonge dans l'étonnement et la stupéfaction sans limites,
ainsi tu peux être sans limites,
ainsi tu peux être infiniment."
Eugène Ionesco

   " Le Premier Jour du reste de ta vie ", chanson d'Etienne Daho. Elle dit qu'il ne sert à rien de penser aux occasions manquées ou de rester bloqué sur le passé. Préférer l'idée que tout est toujours possible donne une foi, une énergie, et permet d'accueillir chaque matin comme une vie qui s'ouvre. A méditer... camarades méditants "pleine conscience" !

   Miss.Tic : à la vie, à l'amor. Hommage à l'artiste du street art, aux pochoirs poético-féministes, décédée en 2022. Plus de trente ans à recouvrir les murs des villes de ses slogans percutants : " c'est la vie, ça va passer ", " la maison n'accepte pas l'échec ", " Je prête à rire, mais je donne à penser. ", " l'homme est un loup pour l'homme, et un relou pour la femme ", " je n'ai de maternelle que la langue ".... Plus de trois cents pièces à voir jusqu'au 05 janvier au palais des Papes d'Avignon. 
Gast !

   La tyrannie du présent, vous connaissez ? Contraintes et injonctions en tous genres.Domestiques, juridiques, réglementaires. Du vélo électrique au smartphone, innombrables informations numériques dans nos boîtes mails, injonctions commerciales qui polluent nos messageries téléphoniques. Procrastination inévitable ? Utilités parfaitement dérisoires : l'esprit à mieux à faire ! La spontanéité perd de sa superbe, la transgression devient impossible, la pensée parasitée par des rappels à l'ordre sonores ou lumineux ! 

   Sommes-nous maîtres de notre présent ? Cerveau accaparé = paranoïa. Temps confondu avec la vitesse, la précipitation. Victoire totale des écrans, du business. Stopper net la légèreté du temps ! Réservations partout et pour tout, plaies du "progrès". Présent ceinturé par la contrainte numérique. Le présent comme un cadeau : le seul moment où notre imagination peut vagabonder, laisser libre court à la raison, au rêve. Échapper à la traque ! Retrouvons un peu de notre libre arbitre. Notre liberté = de l'air, de l'air svp !.... 

Flûtes de champagne au bout des doigts,
reviens
me dénuder de soie,
m'incruster de veines subtiles.
Toute la mer en creux,
ta semence mousse d'étoiles.
Et la mort 
rit.
L'envie d'amour
brûle jusqu'à mes os :
ma cendre sera légère.
Dans l'eau à fleur de lèvre
j'avancerai.
Poussé par
les rythmes contraires
et amoureux
du fini et de l'infini
je t'aborderai.
Dans la profondeur du néant,
nous coulerions à pic,
si l'ange qui rassemble
ne nous repêchait,
ruisselants et nus,
dans sa main, face à face,
comme au premier jour.
Emilienne Kerhoas, Inapaisable terre et La Pierre du jardin


Je vois, j'entends, je sens, je savoure, je ressens : je suis vivant !
Je débats, je visite, je partage, je déguste, je danse : je suis encore vivant.
Belle entrée dans l'automne coloré,

Jacques

jeudi 5 septembre 2024

 Lettre septembre - 151eme -

Bonsoir, Bonjour


" L'intelligence n’est pas affaire de diplômes.
L'intelligence est la force, solitaire, d'extraire du chaos de sa propre vie
la poignée de lumière suffisante pour éclairer un peu plus loin que soi. "
Christian Bobin


   Tant que la pratique de la "plénitude" n'est pas inscrite dans la réalité, nous sommes sur une voie erronée. Il nous faut chercher à apprendre des humbles qui sont cachés.... Pourquoi donc a-t-on tant besoin de posséder la beauté ? Et si on la laissait vivre en paix dans l'espoir de la recroiser un jour ? L'ombre jamais n'éteindra la lumière. Il n'y a d'engagement politique véritable qu'à défendre la beauté : celle qui rend la vie plus large et plus profonde. Pour aller jusqu'à la liberté. Oui, la beauté, la poésie, l'amour, l'éros, la joie, la subversion, l'autonomie, l'indépendance sont des valeurs contemporaines qu'il reste à défendre. Oui, le but de l'homme est l'amour, toujours plus d'amour. Oui, n'en déplaise aux marchands, aux esthètes, aux cyniques, aux épargnants, aux religieux et aux athées, la vie se conjugue dans la dépense, le don, l'ouverture, l'acceptation, la perte. Oui, la conscience est notre bien le plus précieux, et l'énergie notre source vitale. 
   Où sont les Hildegarde du 21eme siècle ?!...

   Le signe par excellence de l'aventure spirituelle, c'est la joie. Une "douloureuse joie", comme disaient les Pères de l'Eglise, parce que le spirituel est bien plus conscient que la moyenne d'entre nous des tragédies de ce monde. Le spirituel diffuse la joie. Les vrais croyants sont des voyants. L'horreur qui est dans le monde les agresse. L'initié véritable est aussi dans l'action : aller intègre au milieu des loups.... Non pas seulement une âme intrépide d'aller au ciel mais de ramener le ciel sur la terre... Écrire délivre. Écrire perce, assainit, nettoie, fore, met à jour, écrase la peur, transporte hors de soi. Et guérit. Ce n'est pas une vocation, c'est un destin. Insoumission à la loi des hommes pour mieux se soumettre au Ciel qui est en nous....

   La vie est désir, allégresse. Le Vivant (Dieu ?) ne se plaît que dans la simplicité des rires et de la joie. Telle est la prière de vivre. La vie est l'éros même qu'aucun ascétisme ne saurait loyalement servir. De la mesure en tout, de la mesure excepté... dans la foi. Plaisir animal de sentir le soleil battre du tambour contre la peau. Désir fou de courir sur le ventre des prés. Soif de vin de Moselle et de corps à caresser. Je me sens d'un seul coup comme ces grands convalescents que l'on promène dans des jardins. Sans envie de m'user le cœur sur le tranchant des pourquoi. Le mystère du monde n'est plus douloureux. En tout, et pour tout, c'est toujours comme ça : on trouve quand on arrête de chercher.... Idem pour le bonheur, l'amour, la santé, Dieu, etc. 
   " Je n'ai aucune nostalgie, puisque je suis chez moi." Pour moi, cette phrase fût une révélation. On est chez soi. Partout où s'étend le ciel on est chez soi. En tout lieu de cette terre on est chez soi... lorsque l'on porte tout en soi.

   Derrière la façade sociale, l'échafaudage affectif est terriblement fragile. Chaque être humain doit trouver en son for intérieur les moyens de sortir du puits. Les vrais amis sont nés pour ces occasions : témoigner de la merveilleuse nécessité de vivre. Les jours dédiés à l'amitié sont toujours beaux car ils possèdent le don de nous rendre meilleurs. Alors arrêtons de lever les yeux et de chercher ailleurs les merveilles de ce monde. Cette fraternité sera l'unique trésor que j'emporterai de cette terre. Nous portons en nous l'univers... et nous ne le savons pas ! Cessons la guerre en nous. Cessons la censure qui condamne. Cessons l'activité du mental qui s'oppose à tout ce qu'il n'aime pas. Il s'agit seulement de cultiver la région en nous où le cœur écoute.

   " Je reste une incorrigible espérante. Cette vie ne peut pas être qu'un pain de ténèbres? La certitude, quelque part, d'une fontaine. D'un rosier. D'un Amour. L'intuition d'un portillon bleu dans les ténèbres. La terre d'avril ressemble à une jeune mariée, et c'est comme si toute la nature me parlait brusquement du paradis perdu." nous invite Chantal Joly

Au soir
la marche studieuse
a retrouvé son espace
le passage des oiseaux
on gagnerait les confidences de l'air
jusqu'à la venue de la nuit
on entrerait dans les chambres des feuillages
et une allée vers la mer
servirait l'appétit de vie
creuserait les nuances de l'obscurité.
Henri Bihan

" Un loup qui ne rejoint pas la forêt renie sa nature de loup.
Un homme qui ne rejoint pas le bouleversant poème
qui couve sous ses paupières renie sa nature d'homme."
Stephen Jourdain

Lectures
"Les gens ordinaires ne portent pas de mitraillettes" Artem Chapeye (écrivain ukrainien... sans commentaire)
"La Douceur des hommes" Simonetta Greggio (cherche à s'approcher au plus près des aspirations et des désillusions des individus...)
"La fin de la conversation ? La parole dans une société spectrale" David Le Breton (essai lumineux qui nous appelle à renouer avec le dialogue véritable face à nos smartphones omniprésents qui nous isolent !)
"Philosophie et poésie" Maria Zambrano (où l'on croise Baudelaire, Kierkegaard, Heidegger pour retrouver la chair du sensible...)
"Les Incandescentes. Cristina Campo, Simone Weil, Maria Zambrano" Elisabeth Bart (lumineux essai... lumineuses femmes)

Musiques
"Origines" Les Itinérantes (trio vocal classique, mélodie populaire et hymne religieuse = sublimes voix)
"Ljus" Marine Chagnon / Joséphine Ambroselli ("lumière" en suédois... la note juste... piano et voix)
"Scarlatti : 12 Sonatas" Matteo Mela / Lorenzo Micheli (Scarlatti en Andalousie : à la guitare... parfum entêtant de jasmin andalou...)
"Initiation" Sophye Soliveau (cordes délicates, envolées vertigineuses... chanteuse et harpiste : l'étoffe d'une diva... premier album : densité rare !)
"Peacemaker" Vera Sola (un lyrisme orageux, entre "l'enfant perdue de Léonard Cohen et de Nancy Sinatra"...)

" Tout homme s'éveillant à l'existence, par le souffle secret qui l'anime,
par l'être qui brûle en lui et l'illumine,
par la vie jaillissante qui s'élève du creux de sa chair
- est une présence de Dieu. "
Philippe Mac Leod

   Marche arrière toute pour garder la forme ! Comme dans la danse contemporaine par exemple. Marcher à reculons favorise le contrôle du mouvement, de l'équilibre et l'endurance, tout en ménageant les articulations du genou et du pied. Vous avez déjà essayé ?... Certains marchent parfois sur la tête, marcher à reculons est quand même plus cool !

   On le sait, en France, râler est un sport national. Et dans les mois précédant ces jeux Olympiques de Paris 2024, on ne s'en était pas vraiment privé, de râler ! Garderons-nous la flamme... malgré les plus de 23 millions de téléspectateurs présents devant la cérémonie d'ouverture ?...

   Tout feu tout femme. Une grande dame vient de nous quitter. Une brune sublime, habit noir, écharpe rouge sang, surnommée la "pasionara rouge", chante d'une voix puissante Tous les droits sont dans la nature. Elle vit et vibre, incandescente, à chaque concert avec son groupe Alpes. Elle chante l'éveil. Chaque fois qu'elle monte sur scène, elle semble jouer sa vie. Tempérament de feu, hors showbiz. Elle impressionne l'ado révolté que je suis alors. Catherine Ribeiro est décédée le 23 août, à 82 ans. Paix !

   Une autre femme éblouissante. Elle a écrit des textes sacrés et profanes, aimé une femme, fondé deux monastères, composé de la musique, des poèmes, soigné, exorcisé, percé le secret des plantes, tenu tête aux puissants. Elle a été au plus profond d'elle-même. Une aventure sacrée. Elle est entrée dans la connaissance et l'amour sans se couper de la tendresse. Couronnée par le Pape en 2012 : quatrième femme docteure de l'Eglise ! Trait de caractère le plus important de cette Sainte qui était d'abord une femme : l'insoumission. Insoumission à la loi des hommes pour mieux se soumettre au Ciel qui est en nous.
   Vous avez trouvé ?... Hildegarde de Bingen " Ceux qui désirent accomplir les œuvres divines doivent toujours penser qu'ils sont des vases fragiles puisqu'ils sont des êtres humains." A méditer camarades !

    N'est-ce pas stériliser nos vies que d'éviter le risque à tout prix ?
   Dis-moi qui tu hais, je te dirai qui tu es...
   Je vois, j'entends, je sens, je savoure, je ressens : bref, je suis vivant !
   Quel arbre êtes-vous ?
   Nous sommes tous des espérés !
   Belle fin d'été,
   Jacques