samedi 3 juillet 2021

 Lettre juin - 112eme -

Bonjour, Bonsoir


"La vie engendre la vie, il n'y aura pas de fin."
François Cheng


   "Et si nos insomnies étaient des prières qui s'ignorent ? Si Balzac disait qu'une nuit d'amour, c'est un livre perdu, je dirais qu'une nuit d'insomnie est un livre, sinon gagné, du moins mûri. Mûri en silence. L'insomnie est comme une prière. On veille sur la maison qui dort. On veille les morts qu'on n'a pas su pleurer. On contemple ces fenêtres lointaines, allumées elles aussi, parce qu'on n'est jamais seuls à se sentir si seuls. La confrérie des insomniaques garde un œil ouvert. Telle une Communion des Saints, version laïque. Les heures qu'on égrène font d'invisibles chapelets. Comme si cette impossibilité de dormir cachait un rendez-vous. Il s'en passe des choses à trois heures du matin, les mains jointes au-dessus d'un café. Cette pensée que nos insomnies sont des prières qui s'ignorent me donne parfois assez de paix pour me détendre. Le sommeil, peu à peu, revient. Mais l'heure a tourné. J'entends le chant des premiers oiseaux. La journée promet d'être longue. Mais elle nous a, dans ce temps volé au jour, promis bien d'autres choses encore." Martin Steffens, philosophe délicieux, dans Marcher la nuit.Textes de patience et de résistance.

   "La diplomatie du yogi et du câlin" vue sur Arte en mars. A l'international, il utilise sa rivalité avec la Chine pour se rapprocher de l'Occident, et le yoga comme une arme de "soft power". Mais à New Delhi, le Premier ministre ultranationaliste Narendra Modi façonne un état autoritaire qui persécute les minorités. Ce monsieur populiste, à la mécanique implacable et dangereuse, se met en scène en tant que yogi lors de la Journée internationale du yoga. Sur le plan intérieur, son masque tombe. Il met en œuvre une politique radicale, attisant la haine interreligieuse. Derrière la diplomatie du yogi et du câlin, il y a des victimes. Encore un cinglé, arrivé au pouvoir au pays de Gandhi ! Il s'est donné pour mission d'assurer le retour à une pureté originelle.
   Moralité : pratiquer le yoga ne rend pas forcément humain.... Depuis 43 ans, j'ai croisé des formateurs et/ou des profs de yoga qui étaient de doux dangereux cinglés ! Lucidité, lucidité, clairvoyance mes amis.... Le saint ce n'est pas celui qui est parfait, c'est celui qui se relève !

   Dans ma Lettre d'avril, je vous ai parlé de mon vécu douloureux avec et dans l'Education nationale. Un autre témoignage. Aux dires de ses professeurs, Thomas Sammut n'aurait jamais dû briller... "Bon à rien, nul en tout", il était ce qu'on appelle communément un cancre à l'école. Non pas qu'il était plus stupide qu'un autre, mais il ne percevait ni sens ni plaisir à se trouver dans une salle de classe (comme bibi). Cet endroit où des "enfants sont enfermés dans des schémas de pensée les empêchant d'accéder à leur vrai potentiel", comme il l'écrit dans son livre Un cancre dans les étoiles. Sans diplôme en poche, il devient entraîneur de natation. Et observe que les performances de ses nageurs, les jours de compétition, ne reflètent pas leur véritable niveau. Comment l'expliquer ?
   En échangeant avec eux, il finit par comprendre que leurs performances dépendent de leur bien-être, et du fait de se sentir libérés du regard des autres pour certains, de leurs croyances limitantes pour d'autres. Des pressions et des limites depuis trop longtemps ancrées en eux : "80% des pensées limitantes remontent à l'enfance et la période scolaire. Elles nous empêchent d'exprimer notre véritable potentiel et donc d'être heureux. Plus on grandit à l'école, et plus notre sourire, notre insouciance et notre soif d'apprendre disparaissent. On nous demande de travailler dur pour obtenir des résultats qui nous rendront, peut-être, heureux. C'est aberrant. Il faut partir du principe que c'est en étant heureux que l'on travaille mieux et qu'on obtient naturellement des résultats". Thomas Sammut devient alors coach pour sportifs de haut niveau et en entreprises. "Quand on travaille sur la joie de vivre et le bonheur, on peut amener un athlète très loin dans les performances. En France, dès qu'on sort du moule, on est marginal, et on ne peut être cité pour exemple". À méditer....

   Crise sanitaire : que deviendront nos peurs ? Porter attention à ce qui se produit à bas bruit et aux résurgences de nos émotions. Comment regardez-vous cet événement dont la "fin" semble se dérober sans cesse ? "Un étirement du temps qui rend très incertaine la question de l'après. Depuis le premier confinement, nos repères temporels sont brouillés, du fait même du virus. Le covid, on peut l'avoir à nouveau, on peut aussi développer un covid long. Ce n'est pas un événement clos mais quelque chose qui nous traverse et nous transforme. Effets de cette expérience sur notre vie intime et sociale ? Je sais aujourd'hui ce qui me manque : les rencontres, les voyages, l'imprévu... Je sais que seul je m'appauvris. Cette crise qui aiguise les inégalités rend visible la question du partage, accroît la soif de justice. Les émotions qui se succèdent en nous depuis un an prendront-elles un chemin souterrain ? Que deviennent nos peurs quand elles ont été fortement ressenties et tues ? Nos hontes, nos colères ? Nos émotions passées ? Les émotions contenues finiront par s'exprimer ailleurs. Ce qui est enfoui profondément finit toujours par trouver son point de résurgence, de manière déplacée, imprévue, voire déplaisante. Il faut nous inquiéter des non-dits, des haines recuites, se demander où celles-ci vont se déplacer, et qui en seront les victimes. Tout reviendra, mais dans un ordre qui nous surprendra. Saurons-nous rester vigilants, ne pas céder à cette fatigue parfois si écrasante ?" nous avertit Patrick Boucheron, historien - professeur au Collège de France.

   L'obligation fraternelle à se faire vacciner. Cela vous dit quelque chose ? "La situation sanitaire actuelle est un de ces moments où toutes les composantes de la fraternité doivent agir. Se faire vacciner devient alors un geste social et fraternel pour soi-même et les autres : l'autre est un autre soi-même. Nous ne sommes jamais des individus isolés, mais une famille d'êtres humains vivant dans la même maison, sous un même toit bleu, avec des murs fragiles reposant sur un sol commun : nous avons tous une obligation fraternelle à se faire vacciner contre le Covid-19." nous confie Jean-Michel Debarre. Liberté... Egalité... Frater.... A méditer !

   Beaucoup de français, comme moi, sont pourtant encore méfiants à l'égard des vaccins. Parce qu'on l'impose, parce que l'efficacité de certains n'est pas toujours optimale, ou parce que des complications apparaissent parfois. La vaccination, en protégeant notre santé, rompt les chaînes de contamination et protège nos proches. Nous nous protégeons mutuellement. Acte civique ?.... Engagant notre responsabilité, en faveur de notre santé, et exprimant notre solidarité avec les plus fragiles. Une fois dit ça, vous êtes "libres" ! "Je ne pense covid qui nous sépare".... Par pitié, relativisons nos petits malheurs d'enfants gâtés.

   Une société bruyante empêche de penser. Nom de zeus ! "Une société trop bruyante sature nos sens, empêche de nous faire réfléchir à nous-même et à nous confronter à l'altérité du monde. Au contraire, la parole, qui est au cœur de toutes les interactions sociales, a besoin de silence pour être audible : le silence est la respiration de la conversation. Sans lui, la parole a de moins en moins de sens. Il faut redécouvrir la valeur du silence." nous invite David Le Breton.
   C'est ce que nous vivons en faisant notre Yoga. Minimum de paroles pour laisser l'individu se diriger vers son intériorité. Silence intérieur pour arriver au silence extérieur, non dualité, union intérieure-extérieure. Apprivoiser le silence, par étapes, vers une libération sensitive, à fleur de peau : pas sans risques. Puis manger en silence parfois, ou en lisant, cuisiner en silence, marcher en silence, faire l'amour en "silence".... Méditer en silence 20mn deux fois par jour change notre vie. Vous confirmez ?

   Ultra-riches. Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a demandé, le 05 mai, la mise en place d'une taxe exceptionnelle sur les ultra-riches pour financer "un vaste plan de mobilisation à l'égard de la jeunesse""Entre 2009 et 2020, il y a eu plus 400% d'augmentation (de revenus) pour les ultra-riches. Qu'on ait pendant deux ans un plan exceptionnel, je trouve que ce n'est pas du tout choquant", a-t-il affirmé. Je suis d'accord avec lui . Et vous ?


"Si tu n'arrives pas à penser, marche. 
Si tu penses trop, marche. 
Si tu penses mal, marche."
Jean Giono



Des livres et vous
"L'aventure du corps" Fabienne Martin-Juchat (synthèse de 30 ans de recherches en communication non verbale et en anthropologie du corps et des émotions ! Lire aussi "L'industrialisation des émotions")
"L'éco-anxiété - Vivre sereinement dans un monde abîmé" Alice Desbiolles, médecin de santé publique, épidémiologiste
"Comment pensent les forêts" Eduardo Kohn
"Pour la vie" Nicole Laurent-Catrice (poétesse Rennaise, 83 ans, une vingtaine de recueils : son regard pétille de vie !)
"L'Ecrit de l'éternité d'or" Jack Kerouac (fulgurances poético-mystiques, par l'auteur du splendide Sur la Route)

Sites
egorafi.fr (site parodique face à la pandémie)
itirando.bzh (GR34 top beauté !)
www.asso-mamama.fr (bénévoles demandés les 18/19 juin partout en France...)
www.lespetitsmatins.fr (une collection pour penser le monde - meilleur - de demain)
www.universite-du-nous.org (gouvernance partagée, intelligence collective)

Musiques
"Acquainted With Night" Lael Neale (intimiste et intensément habité, une voix directe et sans fard)
www.delphine-amice.com (elle danse des mouvements venus d'ailleurs...)
"Un autre monde" Naïssam Jalal/Orchestre symphonique de Bretagne (géniale flûtiste Victoire du Jazz 2019, inclassable double album)
"Muses" Karen Lano (chant terrien et planant)
"Le Témoin" Effdé (marie merveilleusement chanson et indie folk à l'américaine, arpèges de guitares vertigineux, notes suspendues au piano et un chant élégant et doux. Disque autoproduit)
"Tone poem" Charles lloyd and the marvels (enivrant, onirique et printanier. C'est le son des poètes !)


"Une vraie communauté est le produit d'une loi intérieure, 
et la plus profonde, la plus simple, la plus parfaite
 et la première des lois est celle de l'amour."
Robert Musil, L'homme sans qualités


   "Rien n'est plus défatigant qu'une joie, rien n'est plus fatigant qu'une angoisse. L'être humain ne fait pas que vivre mais exerce le dur métier d'exister : il doit inventer les chemins de sa vie. L'humanité est une tâche autant qu'un don, et ce devoir d'inventer, cette tâche, l'expose "ontologiquement" à la fatigue. Plus exaltante, mais aussi plus difficile, qu'un hier stable, est la vie dans une époque complexe, incertaine, ondoyante, et liquide. Le post-moderne est sommer de s'adapter, de manière permanente, à un monde impermanent.
   Nous sommes comme des caméléons sur un kaléidoscope que menace le burn-out et qui, quand tout s'accélère, sentent un point de côté de l'âme. Sentiment de ne plus pouvoir suivre alors même qu'on s'y efforce. On dort de moins en moins... S'endormir c'est descendre dans une étrange sphère d'oubli, descente indispensable à la reconstitution de la "nappe phréatique de soi".
   Le confinement a changé nos corps. L'ennui n'est pas plus facile à vivre que le burn-out. Et surtout rien ne remplace la grâce et l'appel de l'autre qui ne remplace pas sa présence. Le pain appelle le copain. La joie, n'est-ce pas l'ouverture, la dilatation du cœur et de l'esprit ? Oui, rien de plus défatigant qu'une joie." Eric Fiat, philosophe, éthique médicale, dans Le Monde 31/12/2020

   "Un monde dans lequel des femmes et des hommes manqueraient de désir ou d'énergie est un monde impensable, voire invivable - car la vie a besoin d'un foyer irradiant auquel s'alimenter. Les âmes fortes sont d'utilité publique parce qu'elles savent communiquer aux âmes faibles un peu de ce feu qui leur manque. Les "faibles" s'accommodent très bien de la défaillance des autres, au moins dans un premier temps, parce qu'elle les conforte dans leur existence végétative. Ils ne savent pas à quel point leur simple fonctionnement est tributaire de la beauté exubérante et de la force inépuisable de ceux qui ont choisi de plonger dans le tourbillon de la vie." Je sais plus qui a dit ça, mais c'est pas mal !

   A méditer : en France, près de 100 000 personnes sont internées, chaque année, sous contrainte. Le fils de l'écrivain Régis Jauffret raconte le quotidien absurde de ces journées passées à ne rien faire, abandonné de tous (où sont les amis quand ça vous arrive ?), miné par la peur de ne pas sortir. Lisez Le Fumoir de Marius Jauffret : vol au-dessus d'un nid de coucous !
   Toujours en France, en 2021, 1 personne sur 6 vit sous le seuil de pauvreté, soit avec moins de 900€ net par mois. Alors que les Français, en 2020, ont épargné 100 milliards. Cherchez l'erreur.... "100 milliards, c'est également le montant du plan de relance du gouvernement français. Seulement 800 millions, soit 0,8%, sont consacrés aux plus démunis. Les couches aisées ont épargné durant la crise, les plus en difficultés se sont endettés. Une des solutions promues par les économistes est de faire porter la responsabilité sur les plus riches. D'août à novembre 2020, les milliardaires de la planète se sont enrichis de 2 700 milliards de dollars. Leur dire qu'ils vont mettre la main au portefeuille, c'est une mesure de justice sociale. Plusieurs crises ont amené à taxer davantage les plus aisés. Ils vivent d'une économie financiarisée qui se porte bien et dont on a en plus réduit la taxation : c'est absurde." nous dit l'historienne Axelle Brodiez-Dolino dans Télérama du 14/04.

   Peut-on soigner le capitalisme ? Ce qui est irréaliste et dangereux, c'est de penser que l'humanité va pouvoir continuer à vivre dans un tel système, totalement destructeur et insoutenable. Il existe des alternatives simples, crédibles et immédiatement réalisables pour remettre la finance à sa juste place. Il faut accepter avec sérénité la nécessité d'une révolution.... You see what i mean ?

   Vous avez lu dans mes Lettres depuis janvier que je cherchais une forme d'ermitage pour écrire 2/3 semaines peu importe la saison. Merci pour vos réponses. Ainsi, grâce à vous, je peux m'isoler en 29, 56, 74, 83, 30, 20, 04, mais aussi en Belgique ! Ma porte reste ouverte.... Merci braz pour votre complicité. Et si l'un d'entre vous est partant, je caresse le projet de sillonner le Mont-Athos dès que possible. Contactez-moi pour l'organisation, merci.

Belle "libération" en vous et autour de vous : embrassons-nous, nom d'un pangolin ! 
"L'étreinte est le plus haut langage du corps et de l'âme." nous rappelle Jacques de Bourbon Busset.
On est sortis du confinement mais pas de l'auberge !....
Prendre soin de ceux qui nous entourent, de ce qui nous entoure.
"Moins de biens, plus de liens !" : mantra actuel.
On va tous mûrir, je vous dis depuis un an, et je le constate.
En tant qu'impulsif réfléchi, je vous salue.  
Bises (je peux, je suis vacciné total !),
Jacques


PS : vous êtes environ 1140 "belles" personnes à recevoir mes Lettres (sur 1656 contacts). Un réseau humain et convivial inestimable. Je vous en remercie encore. Je me permets donc de vous solliciter. 
   Je suis en quête d'un "ermitage", un cabanon autonome, simple, dans un cadre de nature, loin de l'agitation humaine et du bruit, afin d'y résider quelque temps entre le printemps et l'automne de cette année, pour écrire mes "mémoires". 
   A 33 ans, j'ai écrit sur mes 30 premières années de vie : cela m'a pris 9 mois (le temps d'une grossesse !). 
   A présent je veux (ac)coucher les 30 suivantes. 
   J'étudierais toutes propositions, et conditions. 
   D'avance merci.

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