Lettre octobre -
116eme -
Bonjour, bonsoir
"L'air est plein du frisson des
choses qui s'enfuient."
Charles Baudelaire
"La
mélancolie ? J'ai l'impression qu'elle est assise sur mes genoux. Elle est
embarrassante, elle m'emmerde, (...) et en même temps elle me fait beaucoup de
bien", constate François Simon, journaliste et critique
gastronomique, l'autre jour sur France-Inter.
" (...) Sentir toujours son lent soulèvement/Toujours en éveil dans un trouble doux/Encore son souffle entendre, tendrement repris/Et vivre ainsi toujours - ou défaillir dans la mort." Jane Campion donne envie de relire Keats éternellement, suite au film Bright Star, en août, à la télé.
Unis par un ange. Le tableau Angelus Novus du peintre Paul Klee a ébloui le philosophe Walter Benjamin. "Il représente un ange qui semble sur le point de s'éloigner de quelque chose qu'il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C'est à cela que doit ressembler l'Ange de l'Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Une tempête le pousse irrésistiblement vers l'avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s'élève jusqu'au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès." . Méditons sérieusement cette dernière phrase...
Quand le soleil a rendez-vous avec la lune. Comment naît la rencontre ? Qu'elle soit toxique ou bénéfique, elle nous transforme. Pour le philosophe Charles Pépin (rappelez-vous sa conférence à Quimper), c'est dans l'altérité que nous forgeons notre identité. "La rencontre est le cœur de l'existence humaine. Deux forces contraires existent en nous : l'une nous pousse à rester en terrain connu, dans nos habitudes et nos repères ; l'autre nous stimule face à l'inconnu. Deux excès à éviter : s'en remettre totalement au hasard car alors nous sommes fatalistes, et nous ne mobilisons pas les actions ou les attitudes qui pourraient s'avérer fructueuses. Ou vouloir abolir le hasard, en ne se fiant qu'aux applications ou aux sites de rencontres. Il faut se tenir au milieu (la voie du milieu, ça vous dit quelque chose ?!...), et faire du hasard son allié. En se mettant en action. Commencer par sortir de chez soi... pour mieux sortir de soi, et de ses rails identitaires (l'entre-soi bien franchouillard...).
La rencontre suppose de se rendre disponible à ce qu'on ne cherchait pas. La vraie rencontre implique le trouble ; elle peut donc faire peur. Elle suppose l'acceptation de nos complexités et de notre vulnérabilité. L'altérité, c'est dérangeant. L'essentiel s'applique à tout le monde : pour devenir soi-même, il faut sortir de là où l'on est (de là où l'on naît aussi !?...). Les rencontres nous révèlent à nous-mêmes. Et elles ne sont pas seulement humaines : films, artistes, pays, idées, livres... Si on veut tout prévoir, on ne rencontrera personne !" Extraits de son livre La Rencontre, une philosophie.
Que serait l'être humain sans les autres ? Rien, affirment les neurologues. Nous faisons partie des rares animaux capables, au sein de leur espèce, de se regarder les yeux dans les yeux (je t'aime... moi non plus !).
De l'humilité. D'abord, cultiver un infini respect pour le mystère de l'autre. Puis un regard réaliste et plein d'humour sur soi, sur ses limites; un humble amour de soi qui mène à la connaissance de soi. Le chemin de l'humilité est l'unique véritable porte pour la connaissance de soi. " Je suis monté à la partie supérieure de moi-même, et plus haut encore règne le Verbe. Explorateur curieux, je suis descendu au fond de moi-même, et je l'ai trouvé plus bas encore; j'ai regardé au dehors, et je l'ai aperçu par-delà tout; j'ai regardé au dedans, il m'est bien plus intime que moi-même" (Sermon sur le Cantique 73,5). Ainsi la connaissance de soi ouvre en fait à la connaissance de Celui qui demeure en nous.
"Celui qui s'élève sera abaissé." Nous voilà donc pris en flagrant délit d'élévation ! Nos grands désirs : ils doivent se vider de tout ce qu'ils avaient de recherche complaisante de soi-même, de vanité, de prétention. Purification.... Alors, désirons les hauteurs, mais en passant par les profondeurs !
L'humilité, condition de la vraie méditation. Une des raisons pour lesquelles nous ne parvenons pas à descendre jusqu'aux couches les plus profondes et les plus silencieuses de notre être, c'est l'orgueil (et le mien est ENORME). Incapables d'accueillir les événements et les contradictions pour ce qu'ils sont, de simples rides à la surface de l'eau, nous nous cramponnons à nos idées, à notre volonté propre, emportés par le tourbillon de nos passions. Seul, celui ou celle qui a une véritable appréciation de soi peut descendre au cœur de son propre cœur, nous disent toutes les voies. Notre orgueil, ou la vanité, nous en empêchent. Amen !
Lu dans mon quotidien, début septembre : "Un Français sur cinq vit dans la pauvreté". Toujours dans le même journal : "Avec la pandémie, les Français ont épargné 157 milliards de plus. Depuis le premier trimestre 2020, les ménages ont ainsi mis de côté environ 267 milliards d'euros, à comparer aux 111 milliards attendus hors pandémie." selon la Banque de France. C'est un rêve éveillé ou quoi ? Vous avez bien lu qu'un Français sur cinq vit dans la pauvreté. Ubuesque, affligeant, révoltant !
Une vie, votre vie, est inépuisable. C'est un secret dont on n'a jamais fini de faire le tour. Je me méfie depuis toujours des discours totalisants qui réduisent les personnes à n'être que la somme de leurs déterminations, des acteurs prisonniers de leur inconscient, des exécutants machinaux de leur déterminisme social. Un homme n'est pas seulement le produit de son histoire familiale ou autre. On ne peut jamais le saisir complètement, l'expliquer une fois pour toutes. En lui demeure une part de mystère qui est celle de sa liberté.
"La liberté, c'est le droit de se
discipliner soi-même
pour ne pas être discipliné par les
autres."
Clémenceau
Enlivrez - vous :
"Désir. Quelques mots d'un moine sur un sujet sensible" David-Marc
d'Hamonville (un moine nous parle du sexe et du désir, sans morale ou conseils...)
"La Grâce" Thibault de Montaigu ("... la
grâce est d'abord une conversion du regard...")
"L'éloge du baiser. Parce que c'est si bon d'embrasser" Céline Hess Halpern
"La Possibilité de l'âme" Catherine Ternynck,
psychologue-psychanalyste
"Le Pansement Schubert" Claire Oppert (violoncelliste,
art-thérapeute. Livre plein de poésie qui raconte son quotidien de
musico-thérapeute auprès des personnes autistes, en fin de vie, en ehpad,...
Bouleversant)
"101 façons de se reconnecter à la nature. Ce que nous apprennent les
peuples racines et que nous confirme la science" Frederika Van Ingen (à lire d'urgence
face à la souffrance psychique actuelle...)
Sites :
plantezcheznous.com (jardins
et lien social)
www.lesengraineuses.fr (quand
l'écoféminisme essaime...)
www.gangofwitches.com (parler
plantes c'est aussi politique)
Musiques
"Courage,
mon amour !" Troy Von Balthazar (voix
délicate folk, un bijou tout doux, de bout en bout)
"Fever
Dreams" Villagers (ambiances hypnotiques et oniriques,
regorge de beaux rêves)
"Full
solo" Paul Lay (accorde son blues lyrique au
romantisme de Beethoven : passionnant)
"Saisir le bon moment,
c'est toujours savoir
attendre."
Hélène L'Heuillet
Mais pourquoi, si souvent, notre mine s'allonge-t-elle vers le bas ?
Qu'est-ce qui nous rend tellement sérieux, si grave ? Seraient-ce les
soucis, la crainte de rater un projet stratégique, déterminant pour la
suite ? En tout cas, le rire a du mal à se frayer un chemin au milieu des
obligations de bien faire et de réussir, des impératifs d'être vigilants,
rigoureux, de compter, vérifier, peser, décider, corriger, reprendre, ajuster,
intervenir au bon moment, refaire les calculs, rectifier le tir, faire passer
l'info, mettre les choses au point, garder en vue les objectifs, penser au
financement... Dans tout ça, il ne s'agit pas de rigoler ! Rire, une
force de résurrection ? Le rire et la grâce....
"Il n'y a pas de vie spirituelle. C'est toute la vie qui est esprit, ou bien elle n'est qu'une affaire digestive ou culturelle. L'esprit est un travail de soi sur soi. Même en dormant, il se poursuit. Le travail spirituel est le travail de vivre, tout simplement. Fou est celui pour qui rien n'arrive que du passé. Saint est celui pour qui tout est éternellement neuf." Signé le délicieux Christian Bobin.
"O nuit, viens apporter à la terre le calme enchantement de ton mystère". Qui se souvient de L'hymne à la nuit de Jean-Philippe Rameau ? Dans notre société du trop-plein de lumière, en dehors dans la nature, mais aussi au-dedans, dans nos habitations, on finit par oublier que le vivant a besoin d'obscurité pour des raisons physiologiques et anthropologiques. La nuit tient un rôle essentiel dans l'équilibre du monde animal et humain. Comment sauver la nuit ? La prise de conscience est en cours " pour que la nuit vienne allumer ses feux intimes et tremblants, et dépose sans bruit ses barques de pêcheurs, ses lanternes de bord que le ciel a bercées, ses filets étoilés dans nos âmes élargies." Jules Supervielle
Il me semble vous avoir déjà confié que le Maître de sagesse qui accompagne ma vie depuis toujours se nomme JC (rien à voir avec Jean Castex ou Jacques Chirac ni même Jeanne Cherhal, que j'adore). Une espèce de hippie qui est venu dénoncer, secouer, déranger, guérir. Qui est venu jeter une torche dans nos abîmes et tendre une main ferme et amicale au cœur de nos impuissances. Il nous a laissé non pas une morale ou une idéologie, mais une voie de transformation de l'être, une doctrine de l'éveil, un chemin de liberté. Il n'a pas fait long feu : zigouillé à 33 ans. Comme d'autres.
Rien à voir non plus avec tous les pseudo-gourous-thérapeutes-guérisseurs allumés que l'on trouve à tous les coins de rue, auto-proclamés bien souvent, sans supervision, et même sans vision aucune. Justes utiles pour les naïfs que nous sommes, et notre porte-monnaie. Ils semblent oublier que "nous ne possédons qu'une parcelle de lumière" dixit l'auteur de L'Imitation.
Je vous le demande : si JC revenait aujourd'hui dans notre monde,
que dirait-il, que ferait-il ?
Je suis plein d'enchantement inquiet face à l'éphémère beauté de la condition humaine.
Mais pourquoi aimons-nous tant nous déchirer ? Apprenons à lutter
contre notre dragon intérieur.
Ne jamais oublier que dans classe moyenne, il y a classe !
C'est Bénabar qui le dit. Son dernier album, Indocile
heureux, redonne goût à la vie = la balade des z'anges heureux !
La vie, une histoire d'amour et de désir : tu es entrée dans la
pièce et, brusquement, l'air autour de mon corps a été plénitude...
Je suis, au moment où vous lisez cette lettre, dans un "pèlerinage" de 3 semaines, aux sources qui ont façonné mon être quand j'avais 20 ans. Un jour ou l'autre, n'hésitez pas à séjourner en ces lieux : www.eourres.fr ; www.lesdamias.com
Je ne peux clore cette Lettre sans vous inviter à lire une pépite qui m'a
comblé ce mois-ci : Le chemin des estives de Charles
Wright. Une ode à la désertion, à la liberté, à l'aventure
spirituelle, qui décoiffe, dérange, nourrit, comble, plein d'humour et de
profondeur.
Bienvenue dans notre groupe de parole du 07 novembre, notre rando silencieuse du 11, notre atelier écriture du 20.
Belle entrée dans l'automne pour toi qui me lis,
Jacques
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