Lettre novembre -
117eme -
Bonjour, Bonsoir
"Si tu veux être libre, tiens-toi à
l'écart du fric, des honneurs, des vanités,
absente-toi du bruit du monde et du goût
du jour, ne t'endors pas dans une vie de mollesse,
et puisque la liberté est
intérieure, tourne-toi vers le dedans."
Charles Wright
Le mois dernier, je vous ai cité Charles Pépin qui nous parle de
"rencontres". Aujourd'hui, le point de vue de Philippe
Djian sur une autre question. Question du journaliste : "Dans
votre dernier roman, vous comparez la vie de couple à une prise de catch, le
"double Nelson". Vous voyez la relation amoureuse comme un rapport de
force, de soumission et de domination ? Réponse de l'intéressé : "Je
crois qu'à la base, c'est cela, même si, en agissant avec intelligence, on peut
faire des compromis. Qui, dans un couple, peut prétendre qu'il ne cherche pas à
prendre le pouvoir, même si c'est avec la manière douce, même si c'est avec
beaucoup de bons sentiments derrière ? Chacun essaye d'imposer sa vision à
l'autre. La relation amoureuse, c'est comme un match de catch, on cherche à
soumettre l'adversaire pour l'obliger à abandonner. Le double Nelson, c'est
ça." . Et vous, vous en pensez quoi ?
"C'est un film sur les trois "A", l'Amour, l'Amitié et
l'Argent. Ce sont les trois grandes obsessions de l'humanité et, selon l'ordre
dans lequel vous les mettez, votre vie ne sera pas la même... Il y a ceux qui
mettent l'argent en numéro un, ce sont des cons. Pour d'autres, c'est l'amour,
et ils ont bien raison. Bien souvent dans la vie, tout se mélange car l'argent
vient brouiller les cartes. On peut acheter tout... même de l'amour. C'est
l'un des thèmes du film.
Vous savez, dans la vie, on est tous le Dieu ou le diable de quelqu'un.
Celui qui vous dit oui est un Dieu pour vous, celui qui vous dit non est un
diable. Mon film se veut positif. On vit dans une société qui accorde trop de
place au négatif, on se régale des mauvaises nouvelles. Ce sont elles qui ont
du succès. Les gens se rassurent en regardant les emmerdes des autres. Alors
qu'on est au paradis et on ne le sait pas !
C'est nous, avec notre ego surdimensionné qui transformons le
paradis en enfer. Je suis convaincu que l'amour c'est mieux que la vie, parce
que d'un seul coup on aime quelqu'un d'autre plus que soi-même. C'est magique.
Je sais aussi que la vie ne se déroule jamais comme on l'avait prévu... Toutes
les catastrophes de l'humanité, si terribles soient-elles, ont toujours
fini par nous faire progresser. Au fond, le mal est l'inventeur du bien.
Le problème du grand jeu de la vie, ce sont les tricheurs. Toutes nos
emmerdes viennent d'eux, en amour comme en affaires. Même quand on ne croît
plus en rien, on peut toujours s'émerveiller. L'amour est toujours là pour nous
surprendre. A tout âge !"
C'est Claude Lelouch, 83 ans, qui nous le dit. Il signe un
film très personnel débordant d'humanité, L'amour c'est mieux que la
vie, œuvre testamentaire, qui sort le 19 janvier 2022. On en reparle.
Il y a des rencontres qui marquent dans une vie. Le 11 décembre, cela
fera 40 ans que Xavier Grall, poète et écrivain qui a marqué des
générations, disparaissait. Aujourd'hui, son œuvre n'a pas pris une ride.
Relisons La Sône des pluies et des tombes, le magnifique L'inconnu
me dévore, un livre de feu. Il prônait un christianisme de plein air qui
doit transpirer la beauté ; il soulignait l'importance de la spiritualité, de
la transcendance contre le dogme. Amoureux d'une Bretagne rêvée, attachement à
l'émerveillement de la vie au quotidien, "croyant mais pas béat,
tirant sur la laine des mots pour tricoter des textes qui vous prennent par les
sentiments. Ou aux tripes" (Jean-Marc Pinson). Un grand
monsieur... merci à sa Françoise.
Les échecs sont finalement ce qu'il y a de plus intéressant et
fécond dans nos vies. Aujourd'hui, cette idée n'est pas à la mode. Le monde
actuel plébiscite la performance. Il faut tout réussir, sa carrière, sa
famille, son couple. Avec l'inflation des discours sur la résilience, cette
injonction touche même nos souffrances et nos deuils qu'il faut surmonter afin
de pouvoir dire comment l'épreuve nous a rendu plus fort ! Charles de
Foucauld est un puissant antidote contre cette idéologie. Voilà un
homme qui a tout raté : pas de disciples, pas de fondations spectaculaires, pas
une seule conversion de Touaregs en vingt ans ! Personnellement, je trouve
ces déconvenues réjouissantes.
Lu dans L'Imitation : "Tâche de supporter
patiemment les défauts d'autrui, quels qu'ils soient, parce que toi aussi, tu
as beaucoup d'imperfections que les autres doivent supporter."
Petite
théorie sur le lien entre la vie intérieure et la vie intestinale. Savez-vous
que c'est aux toilettes que Martin Luther, ce moine crispé sur ses ascèses et
ses études, a connu l'expérience de la grâce ? Au fond, ce jour-là, cet homme
tendu, obsédé par la maîtrise, a compris que tout passait et se
décomposait, et qu'il n'y avait rien à retenir !
Le terme sacrum qui désigne ces régions obscures aurait
dû nous mettre sur la voie : il se joue des choses sacrées dans nos épaisseurs
les plus triviales... Le pot comme un haut lieu de révélation, de théophanie !
Merde alors !!
Vivre l'instant présent nous enseigne à ne plus faire de plans sur la
comète, et à considérer chaque journée comme si elle devait être la dernière !
C'est en étant branché sur l'heure présente qu'il faut tenter de vivre, sinon
nos plaisirs sont inquiets : combien de temps cela va-t-il durer ?
"Le matin, pense que tu pourrais ne pas atteindre le soir, la
nuit venue, ne sois pas assuré de voir le matin", écrit l'auteur
de L'Imitation. Il a raison : il faut se préparer, la vie
passe comme une ombre...
Qu'est-ce que la liberté ? Se faire dorer la peau au soleil, marcher
sans un sou en poche, fraterniser avec des semblables, semer des prières, saluer
les oiseaux, se saouler de lumière, jouir de tout ce qui est donné, sans
mesure, à profusion, sans jamais rien s'approprier... C'est ce à quoi nous
invite le dernier dossier de la revue Kaizen, que je vous
recommande.
Renouons avec la sagesse des Indiens, des sages et des ermites : ne
pas peser, s'effacer, poser le pied le plus légèrement possible sur la terre.
Et puis savoir se retirer...
Sécurité vous dîtes ? Société sécuritaire vous aspirez ? Elle est
déjà là. En trois semaines d'octobre, j'ai sillonné la France, en train, de
l'ouest vers le nord, et du nord vers le sud-est. Je peux vous
confirmer que j'ai vu les flics, l'armée, la douane, partout. Dans les gares,
dans les trains, dans les villes. On est surveillé de partout. Le "clou"
fût dans un TER où nous étions 3 pelés et 1 tondu, lorsqu'un message vocal
à chaque redémarrage annonçait qu'une surveillance vidéo avait lieu dans ce
train. Je rêve ou quoi ?! Et je ne vous parle pas de l'Etat qui utilise
l'intelligence artificielle, les algorithmes, ces mouchards, pour nous pister,
contrôler (lisez le dernier ouvrage de Vincent Dubois). Big Brother...
A ceux et celles qui se (nous) prennent encore la
tête avec le Covid, les vaccins ou le passe, méditez sérieusement cette
réplique de Sénèque : "La dispute alimente la dispute et engloutit
ceux qui s'y plongent." Foutons-nous la paix les uns les autres,
nom d'un pangolin !
"L'enfance est du bonheur
ou du malheur stocké pour
toujours."
Jean Sulivan
Livres et vous
"Un itinéraire indien" Moïz Rasiwala. Entretien avec
Jean-Claude Escaffit (itinéraire imprévisible à partager...)
"Comment la personne est devenue sacrée" Hans Joas , mais aussi "Les Pouvoirs
du sacré. Une alternative au récit du désenchantement"
"Une femme en crue" Caroline Boidé (passion et volupté,
Caroline Boidé renouvelle la poésie érotique en un souffle homérique...)
"Le mal à l'âme. L'acédie, de la mélancolie à la joie" Alexandra Puppinck
Bortoli (livre incontournable sur un sujet que tout chercheur spirituel
traverse un jour...)
"Cerveau, sexe et pouvoir" Catherine Vidal (neurobiologiste,
directrice de recherche honoraire à l'Institut Pasteur)
Sites
fr.lita.co (plateforme
d'investissement projets sociaux-environnementaux)
www.laforgeduvallon.fr (oasis
bilingue)
lavieestbelt.fr
www.happyhand-association.com
verfeil-eco.over-blog.org (éco-hameau)
Musiques
"Other
you" Steve Gunn (ses contemplations sont de
toute beauté)
"Tancade" Gaspar Claus (à écouter quand tout le monde
dort ou pour faire une pause)
"Mozart
& Contemporaries" Vikingur Olafsson (nouvelle superstar du piano classique, Glenn Gould
islandais...)
"N'a de convictions que celui qui
n'a rien approfondi."
Cioran
Je plaide pour notre intelligence collective. L'avenir est prometteur si
nous ne détruisons pas tout sur notre passage. Il va falloir apprendre à
utiliser notre intelligence collective au lieu de croire en des génies
providentiels. En fait, chacun de nous est un génie quand nous sommes
"alignés" sur notre axe de vie. A méditer ?
"L'homme est fait pour l'infinité. L'homme passe infiniment
l'homme." Pascal
A la liste des droits de l'homme, Baudelaire suggérait
qu'on ajoutât "le droit de se contredire et le droit de s'en
aller". L'aventurière Isabelle Eberhardt revendiquait,
elle, le "droit à l'errance et au vagabondage".
Dans Heures de Tunis, elle écrit : " Pour qui connaît
la valeur et aussi la délectable saveur de la solaire liberté, l'acte de s'en
aller est le plus courageux et le plus beau." Je me suis toujours
senti de mèche avec les gens qui enferment leurs vies dans une valise et
qui s'en vont. L'accommodement n'a jamais été mon fort. Quand une
situation ne me convient plus, je résiste ou je m'en vais. Et vous ?
Depuis que je bouquine ceux qui se lancent dans l'aventure de la vie -
voire l'aventure spirituelle - je me plais à relever les similarités
biographiques ou les concordances de tempérament qui existent entre certains
auteurs et votre serviteur : une adolescence agitée, une conversion tardive,
une inaptitude à entrer dans le rang, des tiraillements incessants entre des
aspirations contradictoires, le désir permanent d'un ailleurs plus comblant,
l'amour de la solitude, le goût de la liberté, l'appel de l'inconnu, le désir
d'inventer sa vie et de rester coûte que coûte fidèle aux exigences de sa voix
intérieure. Je suis ici sans être d'ici.... En fait, je viens
d'ailleurs (verseau ascendant verseau !).
N'avez-vous pas besoin, dans le brouhaha actuel, de vous laver les
oreilles dans le silence ?.... Les chartreux appellent "virginité
spirituelle" l'attitude de l'âme qui aspire au dégagement de l'éphémère.
Un Père de l'Eglise d'Orient a écrit que la vocation de l'homme est de "puiser
inépuisablement à l'Inépuisable" ! La nature est un médicament,
le meilleur antidote contre la déprime. Les arbres apaisent les turbulences de
notre esprit, nous donnent l'énergie de vivre. "La forêt décrispe
les mâchoires, défroisse les visages et redresse les silhouettes." écrit Henry-David
Thoreau. On ne peut plus vivre affalé quand on fréquente des forêts. La
présence des bois appelle au rehaussement de soi. Dans son Journal,
Thoreau se demande : "Comment rendre notre gagne-pain poétique
?"
Je vous le demande !
Quand vous randonnez en montagne, la royauté de l'ego en prend un coup.
Insignifiants paraissent nos états d'âme, dérisoires les gesticulations avec
lesquelles nous quémandons un peu de reconnaissance ! La montagne
est une école de réalisme, à son contact, on retrouve une vérité du
monde. François Mauriac a écrit "qu'au-delà d'une
certaine altitude, il n'y a plus de mauvaises pensées". A méditer
camarades...
Un moine a développé dans ses livres une théorie intéressante sur le
déguisement des désirs : "...nos soifs de posséder, de jouir, de
pouvoir, écrit-il, ne sont rien d'autre que des travestissements de
notre soif véritable : être accueilli dans l'amour inconditionnel." Qu'en
pensez-vous ?
Ne laissez jamais aucun pouvoir empiéter sur le sanctuaire de votre
conscience, nom de Zeus !
C'est curieux : parfois les gens me disent "vous avez la
foi" comme si la foi était une assurance tous risques ! Faux, la mienne
est soumise à des éclipses. Elle ne me laisse pas tranquille. Elle ne s'exprime
pas en termes de possession. C'est plutôt une inquiétude, une brûlure. La foi
est là pour nous fouetter le sang, nous empêcher de dormir, nous tenir
éveillés. Tout le contraire d'une vie comme un long fleuve tranquille...
Ma foi m'aide à supporter l'insupportable : ma soeur décédée à 44 ans, ma
mère qui sombre mentalement à 94 ans dans un EHPAD, mon frère qui depuis plus
de dix ans est dans un état lamentable et qui vient de faire une tentative de
suicide. Et à supporter le plus difficile : les cons et les petits chefs, ceux
qui détiennent LA vérité, les militants emmerdants, et les moi-moi-moi.
Lors de mon
pèlerinage de 3 semaines en octobre, un livre m'a nourri intensément. Je
vous le recommande : "Récits d'une ermite de montagne" Soeur
Catherine.
Que
l'automne vous soit doux partout.
Offrons-nous
nos sourires à n'en plus finir.
Il pleut des
baisers au-dessus de ton lit...
Je
t'embrasse comme je t'aime,
Jacques
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