jeudi 13 janvier 2022

 Lettre janvier 2022 - 119eme -

Bonjour, bonsoir


"Est mystique celui ou celle 
qui ne peut s'arrêter de marcher." 
Michel de Certeau


   Les vertus d'une cure de silence en hiver. Au lieu de nous jeter dans le premier précipice, aveuglés par la lumière des écrans et rendus sourds par le bruit dans les écouteurs, écoutons le silence. Trop de mails, de "visio", de sollicitations, de choses à faire (et à défaire) et à penser, toutes aussi urgentes les unes que les autres... Les liens humains se distendent avec des visages cachés derrière des écrans, et des voix derrière des micros. Le virus du Covid en a profité pour se frayer un passage et le brouillard s'est épaissi. 
   Place au silence ! Pas le silence vide de la solitude entre quatre murs, le silence plein de la nature. A travers ce silence habité que j'éprouve chaque jour en me baladant dans le bois d'à-côté, je perçois le murmure de la vie, le chant du monde, autour de moi et en moi. La contemplation lave mon regard pour le rendre limpide comme le ciel bleu après la pluie. Alors que le cerveau ordinateur est en panne, le cerveau humain, celui du cœur, se ressource. Un bon moyen pour naviguer en temps de brouillard "covidien" ! Écoutons le silence, il a des choses à nous dire....

   Sujet "chaud" : capitalisme et écologie sont incompatibles. Suffit de lire les livres très éclairants de Laurent Mauduit - La caste et Prédations - pour se convaincre de la dérive. Extraits : "Le capitalisme n'est pas réformable car la notion de limite contredit son essence. Il est intrinsèquement incompatible avec la survie de l'humanité. Regarder les multinationales prédatrices, l'interpénétration structurelle des gouvernements successifs et de la haute fonction publique avec le système capitaliste économique et financier.... Le capitalisme, faut-il le redire, vise à la production, la plus grande possible, des biens de consommation et de maximisation du profit, sans considération de leur utilité."
   Le pape François nous rappelle dans ses écrits que le système capitaliste, érigé en idole, est intrinsèquement mauvais. Intolérable parce qu'il implique la toute-puissance de l'argent et son corollaire, la cupidité. A méditer camarades !...

   Autre exemple : les Cop répétitives, annuelles... jusqu'à la fin des siècles ?! Les participants de la Cop 26 se sont mis d'accord sur un point capital : la tenue de la Cop 27 en Egypte ! Cette conférence internationale n'a jamais abouti à des mesures écologiques concrètes, applicables et contraignantes. Conférence dont le coût astronomique (sans doute plusieurs centaines de millions d'euros pour transporter et héberger 30 000 personnes) est à la charge des pays participants et donc de leurs contribuables, donc de chacun d'entre nous. Vaste mascarade ! On se dit qu'il faudrait un miracle pour que les choses bougent vite. Et Dieu sait que les miracles ne sont pas légion en ce moment...

   Un peu de poésie dans ce monde de brutes : "En tout, se faire plus transparent, ne jamais s'attarder, entrer et sortir avec la légèreté du vent. N'exercer aucune pression, n'appuyez sur aucune partie de moi-même, enjamber ma propre pesanteur. Cesser de coller intérieurement à mon image. Entrer, sortir de moi-même avec l'innocence du vent.
   Prends garde, ne te laisse pas abuser par les milieux protégés, le confort de la serre. Il n'est de croissance qu'en pleine terre, pour une foi de plein vent, nue, exposée à toutes les rudesses du siècle. J'appelle poésie tout langage de la transparence, la clarté du cœur profond, ces moments déchirants où l'intériorité la plus secrète déborde l'homme visible, où l'homme tout entier devient la présence qui palpite en lui.

   Ce qui nous dépasse se révèle toujours le plus signifiant. Nous nous construisons par le vide. Nous grandissons à mesure que nous prenons mieux conscience du manque qui nous constitue - ce manque qui s'avère plus nous-mêmes que nous ne le sommes. Retrouver à l'intime de soi l'élan premier où l'on puise le mouvement et la vie.
   Toute notre raison d'être tient à la qualité de notre présence, à la hauteur que nous donnons à l'existence, à la lumière que nous savons tirer du réel. La vie n'est qu'ouverture (ephata !), expansion, éclosion, condamnée à s'éployer sans fin sous peine de s'immobiliser et de s'effondrer sur elle-même.

   A l'image de la verticalité, l'éveil de la conscience exige de notre part un effort d'application, une attention soutenue, qui doit s'affermir encore si nous voulons devenir pleinement humains. Il n'y a pas de grâce sans liberté, sans ce sentiment d'un espace qui surplombe nos enclos. Il n'y a pas de grâce qui n'évoque la pureté de l'azur, la circulation paisible et souveraine des vents, l'immensité radieuse des matins qui s'ouvrent et s'élèvent à l'horizon.
    Il nous faut la rechercher bien haut, cette liberté mythique, loin au-dessus de nos révoltes les plus légitimes, nos inévitables discriminations, nos enfantines affirmations de soi. Il n'y a pas de liberté. Seulement des libérations, seulement la grâce qui parfois nous soulève." (cette dernière phrase est particulièrement dédiée à celles et ceux qui manifestent depuis quelques mois pour leur "petite liberté"...).
   Extraits de Sens et beauté, que nous avons partagé début novembre lors d'un hommage à Philippe Mac Leod, trop jeune disparu (65 ans).

   Ennuyez-vous ! Sans cesse, sans arrêt, les jeunes doivent être en "éveil", avoir un agenda bourré d'activités et un rythme soutenu. Faire la guerre à l'ennui revient à amputer leur jeunesse, chers parents - éducateurs. On vole à l'enfant le droit au désoeuvrement. Pourtant, il en a grand besoin pour grandir. A méditer...

   40 ans après, le feu sacré de Xavier Grall brûle encore. Extraits : "Mes filles, mes Divines, je vous conjure d'admirer. Tout est fabuleux pour qui sait regarder. La fraîcheur du regard est le commencement de la sainteté. Détournez-vous des gens masqués et de l'imbécilité des aveugles...." Humaniste chrétien, ouvert sur le monde, libre des dogmes : "La foi est porte ouverte, seuil franchi, affranchissement, bruit des pas sur la route, bonne brise, voilier filant aux îles. Mes Divines, la foi est aventure, vent claquant, souffle, envolée de colombes, voile gonflée. Partez, partez, au nom de Dieu." Grall nous ouvre les portes du temps : "Je voudrais réconcilier la vie avec la mort, le noir avec le blanc et crier encore mon espoir (...). La vie est un mouvement musical et perpétuel. J'ai aimé tout ce qu'il est possible d'aimer. Ma sagesse fût d'aimer follement." Relisons - le.

" En cas de pandémie d'intolérance, 
ne jamais laisser cette crasse mentale salir votre esprit. "
Joséphine Baker
   
Des livres et vous
"Consolation" Anne-Dauphine Julliand (une méditation sur la souffrance)
"Jour bleu" Aurélia Ringard (un huis clos vif, sensible et poétique. Un rendez-vous amoureux en attente...)
"Des âmes et des saisons" Boris Cyrulnik (le cerveau se sculpte au contact d'autrui...)
"Le Llano en flammes" Juan Rulfo (recueil d'une beauté à tomber par terre !)
"Bashô, le fou de poésie" Frédéric Clément

Sites
https://tnova.fr/la-grande-conversation-2022/ (donner la parole à la pluralité des convictions et à la contradiction dans le respect des règles de civilité)
vert.eco (nouveau média sur l'actualité écologique)
www.collegecitoyen.fr (pour le monde d'après...)

Musiques
"The Angels" Les Métaboles (entendu à Quimper cet automne = nous convie à une communion avec la nature)
"Back to the moon" Thomas de Pourquery (avec des chœurs, des cuivres, des rythmes hindous...)
"A song is way above the lawn" Karen Peris (simples et terrassantes mélodies, elle chante aux oiseaux...)


" Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale 
que d'être bien adapté à un monde malade. "
Jiddu Krishnamurti


   En 2022, je serai (peut-être) en retraite, pour mes 64 ans. Je vais enfin me sentir libre par rapport à certains milieux professionnels que j'ai bien connu. Pouvoir dire ce que j'en pense... vraiment, en vérité. A commencer par l'Education nationale, pour qui j'ai donné dix ans de précarité. L'école du formatage par excellence. Du "moi-je" poussé à son paroxysme, surtout dans les sphères universitaires. Comme me dit un ami : "Travailler dans l'Education nationale, c'est comme un mauvais mariage. Rien ne va, on ne s'entend plus, mais on reste pour les gosses !" A méditer... 
   Il y a pléthore d'emplois à saisir dans plusieurs secteurs d'activités, et pas ou peu de candidats. Pourquoi ? Je vais vous le dire car j'ai travaillé aussi dans ces secteurs. Élevage-agriculture : ça ne paye pas, des heures à n'en plus finir. Restauration : ça ne paye pas, des heures à n'en plus finir. Agroalimentaire : ça ne paye pas, conditions de travail obsolètes. Social : salaires incongrus, tensions plus plus, précarité des statuts, conditions de travail de dingues. Formation adultes : cdd répétitifs, salaire minimum. Etc, etc. C'est quand le changement ?....
   "L'humour, c'est du drame qui prend son temps" disait je sais plus qui.

   A tous les jeunes qui me demandent quoi faire de leur vie, quid de leurs études, de leur bonheur, de leur devenir, je leur répond de profiter de la vie et de faire ce qui leur plaît. Je me base sur mon itinéraire. J'ai arrêté l'école à 16 ans et en tant qu'autodidacte, je me suis donné la liberté de tenter des choses que des personnes super diplômées, plus formatées, n'ont pas réussi à réaliser. Ma philosophie n'a jamais varié : ne pas m'emmerder ! (ou me faire emmerder)L'arrachement aux gens qu'on aime est une douleur certes, mais aussi une énergie de vie....

   "Laissez le quotidien être le quotidien... Il doit être maintenu tel quel : ni édulcoré, ni idéalisé. C'est alors seulement qu'il est ce qu'il doit être pour nous : lieu de la foi, école de sobriété, exercice de la patience, discernement salutaire du verbiage et des faux idéals, secrète occasion d'aimer vraiment et d'être fidèle, test de l'objectivité qui est la semence de la suprême Sagesse.
   On pourrait dire que c'est précisément en demeurant ce qu'elle est, que la simple réalité quotidienne acceptée loyalement renferme le miracle continuel et le mystère secret que nous appelons Dieu et sa grâce cachée. (...) Celui qui, en tant qu'homme, reçoit la petite chose qu'est le temps au coeur de l'éternité qu'il porte en lui-même, celui-là remarque soudain que les petites choses, elles aussi, ont des profondeurs indicibles, qu'elle sont messagères d'éternité, qu'elles sont toujours supérieures à elles-mêmes, comme des gouttes d'eau dans lesquelles le ciel tout entier se reflète." Quelques lignes, à méditer fissa, du théologien Karl Rahner. Du pur Yoga !

   Ce monde où l'on essaie de se contrôler et de se faire bien voir en toute circonstance est fait de performances et de rapports de force, de séductions et de mensonges pour asseoir son pouvoir ou dissimuler ses faiblesses. Hélas ! ces comportements participent de la nature humaine. Quand on ne fait pas l'effort de s'expliquer avec soi-même, avec les événements, les émotions et les pensées que soulèvent ces événements (le covid par exemple), et de les placer sous le regard d'un Autre, on glisse très vite sans s'en rendre compte dans ces formes de pouvoir et de duplicité qui gouvernent les hommes et les rendent esclaves de leur "petit moi". Certes, le climat ambiant ne favorise guère cette éducation de la personne. Il incite plutôt à préférer le miroitement des apparences et le culte de l'individu.

   "Avec le temps, nous prenons acte que l'essentiel de la vie humaine se situe au-delà des possessions matérielles, intellectuelles, amicales ou même religieuses, dans un ailleurs qui nous échappe et nous ramène parfois douloureusement à la réalité. Ainsi, chacun en vient un jour ou l'autre à reconnaître sa pauvreté et les lois profondes de la vie. Mais, à travers le silence et l'angoisse où apparemment rien n'arrive ni ne bouge, ce dépouillement est porteur des plus riches promesses. Il recrée et oriente le cœur. L'être humain grandit par essais et erreurs, en s'offrant au quotidien, dans la banalité comme dans l'imprévu. C'est peut-être cela le véritable esprit de pauvreté." Laurent, communauté de l'esclache (04), dans leur dernier bulletin d'automne.

   2022 : la démocratie sur un fil. Nous sommes à une date de l'histoire humaine. Invitation à une double réconciliation : avec la Terre et avec l'Autre, le vivant et les hommes et les femmes, dans leur diversité heureuse. Défis écologiques, défis sociaux, soin de la terre et justice sociale. Nous limiter et partager. Partager ou mourir. Si nous n'avons jamais participé à une aventure politique, c'est le moment. C'est l'année ! Ne nous laissons pas aller à la résignation. Accomplissons. Recommençons. Soutenons. Proposons. Créons. Vivons. La grande aventure de l'espèce humaine. Réconcilier les gens, leur donner un espace dans lequel ils peuvent se parler pour trouver des solutions ensemble. C'est ça qui est beau. L'humain est - aussi - capable du meilleur.... Citoyennes, citoyens, réveillons-nous !
   Une petite lecture pas chère que je découvre en ce moment : "Tout va mal... je vais bien ! Comment vivre heureux dans un monde de merde" de Philippe Bloch. On rigole bien tout en tordant le cou à la morosité ambiante.

   Sylvain Tesson, sur l'actualité, le 12 décembre, dans mon quotidien. "... l'humanité a choisi une option, voici une cinquantaine d'années : celle de la soumission absolue à la technique et à la technologie. Je n'ai pas l'impression que la vie y gagne en joie, en bonheur, en mystère... Le principe de sécurité et de sûreté sont devenus les seuls horizons que nous proposent nos gouvernements. Nous sommes en train de nous couper du réel avec ce qu'il a de beau, de vivant, de surprenant, pour se plonger dans un monde virtuel. Si l'on éteint ces écrans qui brillent autour de nous, la vie reprend de l'épaisseur, du charme et du scintillement. Je crois que nous sommes quelques-uns à choisir de ne pas suivre la grande migration humaine, comme un troupeau de gnous, vers le veau d'or numérique et cyber mercantile.
 
   Des artistes, des penseurs, des jeunes ont choisi de bifurquer dans les interstices de la savane. Des choses magnifiques se font... Nous avons pris conscience de notre mortalité avec ce virus. A l'échelle de l'histoire, c'est assez banal. Nous avons cru à notre toute-puissance parce que nous avions des téléphones portables. Rien n'est plus faible qu'un homme qui se croit augmenté par la technologie... Le monde d'après : il est où ? On reste au stade de la prophétie autoréalisatrice. Cela ressemble aux bonnes résolutions du 31 décembre qui disparaissent le 02 janvier...". Sacré Tesson, il décoiffe l'animal ! Mûrir et mourir : un chemin de vie.

Spirituel, poétique et érotique : tout est dans le Cantique des cantiques. Profitez-en !
Le contraire de la connaissance, ce n'est pas l'ignorance, mais nos certitudes.
Une belle pensée va vers notre ami Pierre Rabhi, que nous avions reçu à Quimper (près de mille personnes !). L'un de nos plus beaux souvenirs d'une belle personne, comme on aimerait en croiser plus souvent. Un guide, un ami de l'humanité.
Belle année 2022 à chacun.e, restons zen actifs et réactifs !
Il faut savoir rester en interrogation.
"All you need is love",
Jacques

NB : la méchanceté est à la mode. Vous l'aurez sans doute remarqué. Et pas seulement entre les vaccinés et non-vaccinés (je rappelle quand même que l'on peut être non-vacciné pour raison médicale). Même au sein de certains cours de yoga, l'intolérance sévit ! Le principal effet secondaire dont la majorité d'entre nous souffre est "la peur des non-vaccinés". Du grand n'importe quoi ! La vigilance reste la meilleure arme de combat, puisque nous sommes en "guerre". Les invectives fleurissent. 
   Toute vie en société exige de canaliser nos mouvements internes, par tous les moyens, y compris avec humour. L'enfer, ce n'est pas que les autres. Pour vivre ensemble, il n'y a pas d'autre choix que de se supporter soi-même... et les uns les autres. Plus on glisse vers le rejet de ce qui n'est pas nous, plus on tombe dans la politique du bouc émissaire. C'est alors toujours la faute de l'autre. Voyez les propos de l'abruti qui se présente à la présidentielle : des mots plein de venin. 
   Si penser libère, alors pensons ! Protégeons-nous les uns les autres. Car la peur et la haine sont les deux côtés de la même médaille. Vigilance, gentillesse, compassion, empathie, vous connaissez ?....

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