Lettre mars - 121eme -
Bonsoir, Bonjour
"Pourquoi l'homme sur un radeau voudrait-il se construire des pilotis ?
C'est le rayon de soleil qui est sa chance."
Olivier Rabut
L'être humain est fait de répétitions. Nous avons beau changer et vieillir, en notre for intérieur, nous nous sentons constamment le même, quel que soit notre âge. Je change, mais je reste pareil. Je réplique, donc je suis. Reproduire nos actes peut être positif. Cela nous permet d'apprendre, de créer et de nous affirmer toujours davantage. Cela nous structure, nous rassure et nous fait du bien. Alors, qu'est-ce qu'on attend pour poser plus souvent des actes positifs, créatifs, envers nos voisins, notre famille, nos amis, nos ennemis ?
Carpe diem. On nous apprend à compter les secondes, les minutes, les heures, les jours, les années, mais trop peu de gens ne nous expliquent la valeur de l'instant !
En ce moment politique que nous vivons, il est nécessaire de protéger notre esprit face aux discours, cette arme que certains manient trop bien. Dixit les réseaux sociaux, et tout ce que l'on reçoit par mail. D'autant plus que le discours est aussi vecteur d'inégalités. Nous ne sommes pas égaux face aux discours, ni en tant qu'émetteurs, ni en tant que récepteurs. Ce constat d'échec pousse aussi certains à réclamer des régimes plus autoritaires. Pourtant, il n'y a qu'une seule alternative : chercher à approfondir la démocratie ou, au contraire, se tourner vers l'ordre et l'autorité. Choisissez votre camp mes amis, et méfiez-vous de ceux qui signent leurs discours d'un Z qui veut dire Zorro !
J'ai pris part au vote de la Primaire Populaire. J'ai pensé dans un premier temps donner le maximum à C. Taubira mais je "savais" qu'elle allait faire un flop. Et vous-même savez bien sûr pourquoi elle n'a pas eu les parrainages suffisants. Entres autres raisons, parce que c'est une femme qui pouvait gagner donc "dangereuse" pour certain.e.s, mais surtout parce que c'est une femme de couleur ! Qu'on le veuille ou pas, les français restent racistes, et parfois c... ! Plus le souci d'égos des candidats de gauche, la "pauvre" n'avait aucune chance.
Le défi de l'évaluation qui envahit nos vies, à chaque instant. Évaluer un restaurant, un hôpital, des élèves, des collègues, nous-mêmes ! Étiquetés, classés. Folie humaine, car le "toujours plus" n'est pas nécessairement un "toujours mieux". A méditer camarades résistants.
De l'amour selon Amélie Nothomb, dans Soif : " ... C'est à cela que l'on sait si l'on est amoureux : à ce que l'on ne choisit pas. Les êtres qui ont un ego trop gros ne tombent pas amoureux parce qu'ils ne supportent pas de ne pas choisir. Ils s'éprennent d'une personne qu'ils ont sélectionnée : ce n'est pas de l'amour. Il n'y a pas de causalité amoureuse puisqu'on ne choisit pas. Les parce que, on les invente après, pour le plaisir. L'amour concentre la certitude et le doute : on est sûr d'être aimé autant qu'on en doute. Tout l'art consiste à accepter cet état convulsif avec enthousiasme. On dit que l'amour aveugle. J'ai constaté le contraire.
L'amour universel est un acte de générosité qui suppose une lucidité douloureuse. Quant à l'état amoureux, il ouvre les yeux sur des splendeurs invisibles à l'œil nu. Quand on tombe amoureux, on devient présent à un point phénoménal. Par la suite, ce n'est pas l'amour qui se dissipe, c'est la présence. Si vous voulez aimer comme au premier jour, c'est votre présence qu'il faut cultiver.
Aucune jouissance n'approche celle que procure le gobelet d'eau quand on crève de soif ! En vérité, je vous le dis : ce que vous ressentez quand vous crevez de soif, cultivez-le. Voilà l'élan mystique. La bonne nouvelle, c'est que l'extrême soif est une transe mystique idéale. Je conseille de la prolonger.
"Celui qui boit de cette eau n'aura plus jamais soif." Jean 4,14
Comme moi, dans vos relations humaines, vous entendez de temps en temps : "Nous, les gens de gauche... nous, les éduc... nous, les végan... nous, les anti... nous, les chrétiens... nous, les yogis... nous, les femmes... nous, les gens de droite... nous, les patrons... nous, les intellos... nous, les militants... nous, les méditants, nous, les..., etc. Ce "Nous" résonne comme une évidence, une urgence même parfois, tant il est - trop - souvent employé pour exclure "les autres" ! A l'heure - urgente - du vivre ensemble, ça craint. A méditer....
Un peu de lucidité dans ce monde de brutes. " J'envisage donc avec confiance ce 21eme siècle : j'envie même la génération qui monte. Je l'envie, parce que cette génération aura la charge la plus grande qui puisse se proposer à des êtres libres : celle de livrer un combat décisif, d'une part ; et d'autre part, celle d'être sûre, absolument sûre, de n'être pas vaincue.
Je ne vois pas de crise dans l'histoire qui soit comparable à celle que va connaître le 21eme siècle. Nous avançons vers des transformations majeures, vers des événements imprévisibles, d'une importance inouïe.
Comme Newman à la fin du 19eme siècle, mais plus encore, je prévois une confrontation ultime entre les positions extrêmes de l'affirmation et de la négation. Un conflit fondamental, qui est d'ordre métaphysique."
Cet extrait a été écrit en 1987 (!) par le centenaire Jean Guitton, dans Silence sur l'essentiel.
Stupéfiant, n'est-ce pas ?
"Quand on cherche la Vérité, on chemine tout seul :
la voie est trop étroite pour un groupe."
Anthony De Mello
Livres qui nous délivrent (ou l'amour des livres nous délivre-t-il ?) :
"Ocytocine mon amour" Marcel Hibert (la science aussi sait parler d'amour...)
"Perso" Antoine de Caunes (super biographie d'un super humaniste)
"Sidérations" Richard Powers (une ode à la beauté du monde, roman écologiste et humaniste, relie l'intime au cosmos...)
"Ne vivent haut que ceux qui rêvent" collectif de 27 voix, hommage polyphonique à Xavier Grall
"Pourquoi les oiseaux chantent" Jacques Delamain (récit crucial fondamental grâce aux oiseaux... conseillé par Sylvain Tesson)
Sites
Musiques
"Chopin : études OP.25 - 4 scherzi" Béatrice Rana (méditative, orageuse, déchaînée : étincelante interprétation)
"Hope" Kevin Norwood (sensuel comme le soleil du Sud)
"Touch The Light" Joachim Kühn (génial pianiste allemand de 77 ans, nous rapproche de la lumière...)
"Chant Amazigh" Majid Soula (compilation fascinante, chant prenant l'âme, pépite oubliée de la musique arabe)
"Amazone" Léa Desandre (époustouflant récital)
"Pour tout ce qui a lieu, merci.
Pour tout ce qui aura lieu, oui."
Dag Hammarsjold
Un sage d'Asie laisse entendre que l'espoir et la peur sont l'envers et l'endroit d'un même sentiment et que pour ce motif il faut renoncer aux deux. A méditer....
Changer l'homme, quelle croyance idiote ! Il faut ne rien connaître à rien pour penser que l'on peut changer quelqu'un. Les gens changent seulement si cela vient d'eux, et il est rarissime qu'ils le veuillent réellement. Neuf fois sur dix, leur désir de changement concerne les autres. "Il faut que ça change", phrase - slogan entendue ad nauseam, signifie toujours que les gens devraient changer. En ces temps d'élections politiques que nous vivons, beaucoup aimerait changer le monde, la société, le gouvernement, le modèle, la gouvernance, etc. Le vrai changement commence par soi-même. Vous l'avez déjà lu et entendu mille fois. Alors, c'est quand le vrai changement... individuel ?
Un peu de poésie dans ce monde de brutes. " Je me suis mis à écrire des poèmes pour toi / des poèmes sur toi / des poèmes / d'eau / de farine / et de sel / que nous avons pétris / à quatre mains (...) depuis je me nourris / du pain de ton regard." Bruno Doucey. Que demander de plus ?
"La vraie spiritualité ne dispense pas du souci d'autrui et de l'état du monde, mais elle le fait avec maîtrise et détachement, en conservant le sens et l'esprit. Elle confère une vision juste de l'agir, de la conduite à tenir, et aucun spirituel ne peut se dispenser de l'aide concrète à autrui qui est à sa portée. La vraie spiritualité, même après une expérience des plus hautes, n'a atteint son but que lorsqu'elle imprègne et conduit la personne, dans sa réalité concrète, dans les composantes de son être, dans le déploiement de son activité, dans les prises de décision, dans l'usure du quotidien comme dans les moments importants.
La pratique spirituelle permet le discernement de ce qui, sans négliger sa vocation spirituelle, est vraiment de son ressort et de sa responsabilité. La spiritualité permet certes de ne tomber ni dans l'activisme ni dans le matérialisme, mais aussi d'être dans un complet détachement quant au résultat. Une spiritualité qui ne redescend pas sur terre pour investir le concret, le réel, la relation humaine, le quotidien est suspecte." nous dit Soeur Catherine, une délicieuse ermite du sud-est.
Donc, camarades, un vrai spirituel nettoie les wc, fait à manger, s'investit dans le corps social, politique, jardine, fait les courses, prend soin de son voisin,.... Que du bonheur simple !
Dans mes Lettres, vous me trouvez parfois désabusé ?... Exact, oui, je me laisse moins facilement abuser, depuis quelques années. Il y a toute une comédie humaine qui ne m'en impose plus du tout. "J'essaie de choisir l'école de la réalité toute nue, celle que j'ai choisie pour maîtresse, dont je suis l'amant, la seule réalité qui mérite d'être aimée de tout près tout près, au plus près. Et j'apprends à l'aimer, et pour l'aimer, je la cherche et j'apprends à la servir." comme nous y invite le délicieux moine-poète David-Marc d'Hamonville
La loi naturelle, c'est que la vie impose à chacun de se cogner à ses limites, sinon on ne vit pas vraiment. Vivre veut dire progresser, aller de l'avant. Il faut que la vie me mette en défaut pour que ça en vaille la peine. Il faut que j'ai envie d'apprendre à marcher alors même et parce que je sens bien que je vais me casser la gueule !
Le "hic" c'est le jeu des ambitions et des rivalités, la soif de pouvoir personnel, avec ses convoitises et ses perversions. Petit jeu que l'on retrouve même et surtout chez les "spirituels" de tous poils, les "techniciens" du développement personnel, ceux qui croient détenir un don, une énergie particulière, ou pire qui "dialoguent" avec l'invisible....
L'homme de pouvoir est celui qui, craignant de perdre sa place, écrase les gens qui l'entourent et les pousse à s'écraser, à démissionner toujours plus, à se déresponsabiliser. Face à ce genre de personnage, on a vite fait de prendre la tangente : plus il y a de pouvoir, plus il y a d'irresponsabilité. C'est le régime de l'obéissance-soumission, pas celui de l'obéissance-écoute. Les totalitarismes, qu'ils soient politiques, religieux, technologiques ou scientifiques, en sont la vivante illustration ! Inutile que je vous fasse un dessin, vous voyez à qui et à quoi je pense ? On nage en plein dedans mes amis....
Belle pensée pour notre philosophe Marcel Conche qui a tenté de concilier le pessimisme de l'intelligence à l'optimisme de la volonté. Il vient de s'éteindre à presque 100 ans ! Un vieux sage s'envole... Relisons - le.
Belle entrée dans le printemps à chacun.e d'entre vous,
Jacques
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