dimanche 1 janvier 2023

 Lettre décembre 2022 - 130eme - 

Bonjour, Bonsoir

" Le courage, c'est de la grâce sous pression."
Hemingway

   Travailler, pour qui, pourquoi ? Par conscience des effondrements en cours, beaucoup de jeunes optent pour des choix de vie en conformité avec leurs aspirations. Quand l'emploi perd de son sens, les salariés décrochent. Entre les aspirations des individus et ce que les entreprises leur proposent, il y a un décalage croissant. Pourquoi y-a-t-il autant d'offres d'emploi sur le marché, et si peu de candidats ?... Nos jeunes diplômés rejettent des carrières qui participent aux ravages sociaux et écologiques en cours. Et ils ont bien raison ! C'est le souffle prophétique d'une génération plus sage que les précédentes. Le révélateur d'un malaise grandissant au cœur de notre jeunesse (je suis père de quatre jeunes concernés par ces mutations : 26, 30, 32 et 40 ans). Ils changent radicalement de voie, se réorientent vers l'agroécologie, l'artisanat ou l'engagement associatif. 

   Quelle vie voulons-nous, nom d'un pangolin ? ! Acter la rupture ou tenter de réformer le système de l'intérieur ? Abandonner la société à ses erreurs ou s'engager en prenant le risque de se salir les mains ? Construire un autre modèle pour soi-même ou avec l'ensemble de la société ? La désertion ou la conversion, à nous... "les vieux", de choisir... aussi, notre camp ! Idée de lecture : Redonner du sens au travail. Une aspiration révolutionnaire, de Thomas Coutrot et Coralie Perez.

   Un peu d'humour dans ce monde de brutes. Humeurs en liberté dans mon quotidien : "Il fait déjà 23 degrés chez moi ce matin. Je fais quoi pour rester à 19 ? J'allume la clim ? Ce n'est pas clair cette histoire de sobriété énergétique et de col roulé...", "ELLE EST LA ! La délicieuse saison du je laisse le four ouvert pendant qu'il refroidit, ça va chauffer l'appart.", "Ne pas allumer le chauffage avant le 1er octobre : mission accomplie. Prochaine mission, ne pas allumer le chauffage avant le 15 octobre.", "J'ai réparé l'ampoule du frigo qui était HS depuis au moins 10 ans. Je me demande quand même si le moment est propice à ce genre de débauche énergétique. J'attends les consignes gouvernementales.", "C'est marrant, j'arrive plus facilement à reprendre des lasagnes qu'à reprendre le sport.", "Puisque chacun y va de sa petite astuce, sachez que pour faire des économies d'énergie je n'allume plus les phares de ma voiture. Ce que les autres automobilistes semblent trouver malin puisqu'un grand nombre d'entre eux me klaxonne pour me féliciter.", "A la place de qu'en penses-tu ?, j'ai écrit par erreur au big boss de la boîte quand penses-tu ? Merci le correcteur d'orthographe ! Si vous ne me voyez plus tweeter demain matin, c'est que je suis en rendez-vous chez Pôle Emploi...".

   Le journaliste demande à Michel Ribes : "Qu'est-ce qui vous fait rire ?". "Le rire qui fait tomber les idoles, les chefs, les dominants. Staline en avait tellement peur qu'il disait : "Un pays vraiment heureux n'a pas besoin d'humour." La religion a été très contraignante sur tout ce qui touchait au rire. On sentait bien que le diable arrivait par là. Aujourd'hui, il existe un autre type de religion :  celle de la réalité, de ce qu'il faut faire ou pas. La religion politique aussi, et tant d'autres... Car il y a toujours une manière d'être qui vous est recommandée et des choses auxquelles il vous est conseillé de croire. Il existe une police de la pensée inquiétante aujourd'hui. Et là encore, le rire doit faire péter tout ça. Les conformismes à dynamiter aujourd'hui sont le bon goût lénifiant, emprisonnant. Les morales définitives asphyxiantes. Le retour à la morale mène aux dogmes, qui finissent mal." A méditer mes amis !

   Le monde de la consommation est vraiment merveilleux : il satisfait tous nos besoins et toutes nos lubies ! Leur inventivité n'a aucune limite et notre crédulité non plus. N'hésitons plus à "faire la fête" ou plus exactement à "faire la fuite" pour éviter de nous poser quelques questions ! Nous vivons anesthésiés par le confort et par les choses rassurantes. Cela, parce que nous sommes suspendus à des rêves qui trahissent nos manques. On se laisse porter et endormir par l'atmosphère ambiante et les petits bonheurs malsains qui nous rendent dépendants. Régression infantile... Le réel pourrait bien nous faire tomber de haut, un jour ou l'autre, jour qui se rapproche... Tomber de cette légèreté insouciante aux obscurs soubassements d'angoisse. Changer alors de comportements, " c'est du même ordre que lâcher la main de sa mère pour l'enfant qui a peur " (Philippe Jeammet)

   "La tranquillité endort, les contraintes stimulent. De ce fait, on cultive son propre malheur. L'homme se construit davantage par les aléas de la vie quotidienne que par ses rêves. La société que nous avons mise en place ne s'intéresse pas au bonheur des personnes. Elle nous propose un bonheur matériel et factice. Avec notre consentement aveugle, elle utilise notre misère intime à des fins économiques. La quête du bonheur devient alors comme la carotte de l'âne au bout d'un bâton ! L'absence à soi-même et l'insatisfaction sont finalement le moteur d'un progrès trompeur et d'une concurrence effrénée. Comment sortir de ce piège ? Il s'agit d'abord de se guérir d'un passé peut-être mal vécu, de s'avouer nos besoins d'approbation et de compensations. Prendre en compte nos fragilités pour essayer d'être en paix avec nous-mêmes et avec les autres." nous dit Laurent dans le dernier bulletin de leur ermitage situé dans les Alpes de Haute-Provence.
   
   "Oui, j'ose le dire ici, écrit Jean Sulivan, en tout être humain, si l'on excepte les douleurs physiques extrêmes, il y a un royaume de sérénité. Mais cela suppose que l'on n'accepte plus de céder à beaucoup d'impératifs catégoriques de la société. Que l'on ne s'imagine plus que le bonheur vient exclusivement du dehors. Que l'on cesse d'être ballotté par mille agitations en confondant les besoins avec le désir profond. Cela suppose souvent que l'on change le rythme de sa vie. Que l'on préserve un espace d'intériorité. (...) Alors il peut arriver que l'Espérance nous habite au sein de nos misères, la petite joie increvable sans laquelle toute foi n'est qu'une crispation de l'esprit. Je ne vous fais pas la morale. Je vous invite au plaisir de vivre. Celui que nul ne peut vous arracher." 
   A méditer sérieux, mes amis.


" Ceux qui vivent passionnément nous apprennent à aimer,
et ceux qui aiment passionnément nous apprennent à vivre."
Yogananda


Des livres et nous :
"Être quelqu'un de bien. Philosophie du bien et du mal." Laurence Devillairs
"Être à sa place" Claire Marin (être à sa place dans sa famille, son couple, son travail... essai remarquable)
"La tradition des larmes" Jean-Paul Iommi-Amunatégui (s'intéresse aux "pleurs sacrées". Sans pleurs ni abandon, pas d''extase possible!)
"La confiance du matin" Chantal Joly (pour tous ces matins où nous recommençons à vivre... malgré tout.)
"Vide et plénitude" Yves Raguin (ainsi que ses autres ouvrages)

Sites
lecheminsauvage.com (à pied par la France rurale, 1er sentier de grande itinérance en France)
www.icicestcool.org (ne laissons pas la violence pourrir l'ambiance...)
https://www.lionsroar.com (sur la voie bouddhiste...)
finance-fair.org (pour la finance solidaire...)

Musiques
"Garden Party" Florent Marchet (instantanés de vie qui vont droit au coeur...)
"Boredoms & Heartstrings, vol.2" Erotic Market & The Heartstrings (oscille entre ivresse langoureuse, groove chamanique et R'n'B onirique. Le tout est sensuel, piquant. Excitant.)
"When Do We Get Paid" The Staples Jr. Singers (un bijou de famille ! Leur gospel transcende le gospel pour embrasser une soul de toute beauté avec un funk aussi léger qu'un nuage de lait dans le café...)
"Dissonance" Asmik Grigorian / Lukas Geniusas (piano et voix subtilement accordés pour les romances et mélodies de Rachmaninov. Poétique à souhait.)
"Home, before and after" Regina Spektor (œuvre radieuse, l'antidote à tout sentiment de découragement...)


"Donne chaque jour ton sourire,
c'est ton merveilleux cadeau d'amour.
Il ne dure qu'un instant mais fait chanter le cœur."
Soeur Emmanuelle

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs.
Rimbaud, Bateau ivre

   Paroles de sagesse du héros du film IntouchablesPhilippe Pozzo di Borgo : " Je vous invite à retrouver l'innocence, le sens du beau, du vrai, du juste, de l'instant présent. Le salut - et non pas l'enfer de Sartre - ce sont les autres ! La réalité de notre vulnérabilité dépasse toutes les possibilités de la science. Elle est constitutive de notre condition humaine. C'est pourquoi je suis contre l'euthanasie. Je prône l'accompagnement avec tendresse et considération, dans l'acceptation de la vulnérabilité inhérente à la Création. L'euthanasie peut être une libération. Mais il y a quelqu'un au bout. Alors, on l'aide, on s'engage mais on ne le tue pas. On ne peut pas avoir une société apaisée, relaxée, si vous tuez les plus fragiles". A méditer par les inconscients qui durant le covid souhaitaient qu'on laisse mourir les plus âgés, les plus fragiles ! 

   Comment prendre soin de soi et de la Terre ? Nous ancrer dans notre corps = incarner pour être en relation avec les autres ; vivre la fraternité = nous ne nous en sortirons pas tout seuls ! Nous n'avons pas d'autres choix que de développer nos capacités de solidarité et d'entraide. Exerçons - nous à regarder sans juger : difficile n'est-ce pas ? Cultiver l'amitié pour résister aux clivages sociaux qui divisent et aux regroupements affinitaires qui séparent (les pour, les anti) ; nourrir notre intériorité = nous offrir des bains de silence, nous immerger dans des espaces naturels, s'imprégner de lectures spirituelles, écouter une musique ressourçante, pratiquer un art, méditer... ; cultiver la gratitude = ressentir de l'amour pour..., adopter un mode de vie plus sobre, nous mobiliser contre le non-sens destructeur et pour nos droits et devoirs à vivre dans un monde digne. Nom d'un pangolin !

   En ce temps de Noël - mais pas que - commençons par enlever les yeux de notre nombril pour nous occuper des autres. Sortir de notre petit confort perso pour diffuser un peu du feu sacré qui nous habite.
   Une minute de danse par jour = un acte quotidien de résistance poétique !
   La sobriété comme style de vie, c'est cool. Juste distance avec les biens, la propriété ; juste répartition des biens entre tous ; juste relation aux biens de ce monde. La justesse, toujours.
   Lève - toi et parle... mon ami.e !
   Bises de Noël à chacun.e et "hug" pour tous,
   Jacques


PS : comme vous sans doute, nous apprenons en cette fin de novembre le décès de Christian Bobin, 71 ans. C'est l'un des plus sensibles écrivains spirituels français qu'il m'ait été donné de rencontrer à travers ses livres, à la télé, à la radio, et une fois "en vrai" à Poitiers. " Pour apprécier la profondeur et la délicatesse de son œuvre poétique, il convient de ralentir. De s'arrêter même. Et de goûter : goûter les mots, les évocations, les images choisies avec tant de soin par l'auteur, et qui nous parle de ce qui nous entoure comme de l'insaisissable. Il écrivait comme pourrait peindre un impressionniste, à petites touches, en fulgurances lumineuses, qui nous saisissent autant qu'elles nous ravissent l'âme. Christian Bobin est à déguster comme une papillote qu'on laisse longuement et délicatement fondre dans la bouche ." (CFDT Magazine, décembre 2022, page 42)
   Toutes celles et ceux qui l'ont apprécié sont aujourd'hui orphelin.e.s. "Je marche seul..." chante JJ Goldman.
   Cadeau de Noël : https://youtu.be/orIIPyMAbc0

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