Newslaitue décembre 2023 - 142eme -
Bonsoir, Bonjour
" Soyez pareil à un petit enfant,
mais pas infantile."
Râmdâs
Je pratique le yoga depuis l'âge de vingt ans. Je l'ai enseigné durant vingt-deux années. En intégrant l'univers du bien-être, j'ai découvert une culture qui n'était pas du tout raccord avec ma façon de voir le monde. Dans le milieu du bien-être, il est d'usage de promettre aux gens de grandes choses : une meilleure vie, un équilibre psychologique, corporel et spirituel, bref, le bonheur. Cette logique de perfectionnement en continu, qui implique de consommer toujours plus, est une aubaine pour le capitalisme. Par ailleurs, ces pratiques individuelles, souvent présentées comme des solutions aux problèmes collectifs, nourrissent une logique des petits gestes, idéale pour ne surtout rien changer ! Enfin, il ne m'a pas fallu longtemps pour réaliser que ces pratiques, outils et espaces de bien-être, étaient en fait surtout structurés pour convenir à des personnes jeunes, riches, blanches, minces et valides !
" Aujourd'hui encore, je suis frappée de voir à quel point, dans ce milieu où l'on adore se revendiquer "apolitique", ces sujets sont impensés. Sauf que dans les faits, ce n'est pas du tout ce qui se passe : on ne s'extrait pas des problèmes du monde, ils nous traversent à chaque instant. Ainsi, dans le bien-être comme ailleurs, les normes dominantes, qui créent et entretiennent les inégalités, tendent à se renforcer. L'idéologie individualiste et néolibérale, qui affaiblit toujours plus le collectif et isole toujours plus les individus, tend à s'intensifier.
Comme le reste de la société, le monde du bien-être est un espace traversé par une multitude d'enjeux très politiques, auxquels nous participons dès lors que nous fréquentons ces espaces. Que l'on se considère apolitique ou non ! Ne pourrions-nous pas plutôt, dans une optique progressiste, subvertir le bien-être pour faire en sorte que ses pratiques et ses espaces se mettent davantage au service d'un projet collectif visant la justice et l'émancipation pour toustes ? " nous éclaire Camille Teste dans son ouvrage décapant Politiser le bien-être. Ce livre percutant et juste est ce que j'ai lu de plus pertinent sur la question jusqu'à ce jour. A lire par tous.tes ceux et celles qui se disent en "pleine conscience".
Et vous, que pensez-vous de cet impératif moral, très actuel, au "bien - être" à tout prix (et à tous les prix !) ?
" Le capitalisme, c'était la promesse d'un monde meilleur. En réalité, c'est le triomphe, et on le voit tous les jours, du parti de l'égoïsme." disait l'autre jour sur France-Inter Matthieu Pigasse, homme d'affaires et ancien banquier d'affaires. Dans le même registre, la Docteure en sciences de l'environnement, conseillère en transition économique et environnementale auprès de l'Union Européenne, et coprésidente du Club de Rome, Sandrine Dixson- Declève, écrit une page entière dans La Croix du 09 octobre dernier : " Le capitalisme est de plus en plus destructeur pour nos sociétés. Nos contemporains ne se réduisent pas à un "Homo oeconomicus" se bornant à produire et à consommer." Son dernier rapport Earth for all, terre pour tous propose cinq changements de caps radicaux. Alors, on fait quoi ?!... Extinction ? Ou rébellion ?!
" Je rêve d'une joie qui me féconde/
et je te germe dans la nuit profonde/
où les étoiles sont autant d'aubes qui nous rajeunissent "
Alice Renard, 21 ans, " La Colère et l'Envie "
Question pour des champions. Mais d'où vient cette " électricité" qui est dans l'air dans nos relations humaines depuis la pandémie ? C'est incroyable depuis notre passage au " tout numérique" comment les individus - nous compris - sont devenus " à cran " pour un oui pour un non. Il n'y a pas un sujet qui peut être abordé sereinement, tranquillement, sans que nous sortions nos théories, croyances, avis, points de vue, et ce trop souvent de manière " agressive ". L'on pourrait disserter sur la question durant des heures, des pages entières.
J'ose juste ici une hypothèse, un avis, un ressenti : c'est parce que nous ne nous touchons plus ! Plus assez de tendresse humaine. Se prendre dans les bras, s'enlacer, s'embrasser. Gratuitement. Chaque jour, chaque matin. En couple, en famille, avec les amis, les proches, les gens dans la peine, le besoin, le désir. Juste nous toucher. Tout simplement. Humainement. Alors d'ores et déjà je fais un vœu de nouvelle année : " Touchons - nous les uns les autres !", et le monde s'en portera mieux.
Crise du logement en France : " Il y a un peu plus de 3 millions de logements vacants dans le pays " titre mon quotidien. Et pourtant, il y a des logements vacants dans le parc immobilier des diocèses français. Ainsi que dans quantité de monastères, abbayes. Autre titre : " Plus de 60% des 1721 logements de fonction des collèges et lycées bretons étaient " inoccupés en 2019 ". Cherchez l'erreur. De qui se moque-t-on ? Extinction... rébellion !
La Fondation Abbé-Pierre estime à 330 000 le nombre de personnes sans domicile en France, soit 30 000 de plus en un an !? Au total, 4,15 millions de personnes seraient mal-logées dans notre pays, selon la Fondation. Dans la Sarthe (Ouest-France 24 octobre), Denis Lefranc, avec le soutien de l'Etat, porte le projet de construire des paligloos par et pour des personnes en précarité. Avec un coût d'environ 20 000€, une personne au RSA peut devenir propriétaire en huit ans. Le projet n'a pas abouti : impossibilité de trouver un terrain privé viabilisé !? Et blocage des bailleurs sociaux sur les normes du bâti !? Des freins culturels, alors que les pays scandinaves, eux, se sont approprié ces constructions alternatives. L'association Habitats Légers, en Bretagne, propose la même chose sur la France entière : certaines communes se réveillent. On vit dans un pays de frileux ou quoi ?!... Il y a des fois où je deviendrais bien révolutionnaire, gast !
" UE : le racisme contre les noirs augmente " titre encore mon quotidien. Le rapport " Etre noir dans l'Union européenne " publié fin octobre montre une augmentation du racisme en Europe, y compris en France. Le contraire chez nous m'aurait étonné. Allez, braves gens, continuez votre pétanque, Yi-Gong, votre Taï-Chi, votre méditation, votre yoga, votre coaching : nous vivons une belle époque, le "niveau monte" et qu'est-ce qu'on est bien "entre nous" !
Ce rapport me désole, et ne me surprend pas. Quel pays mes amis : la France est un paradis où ses habitants deviennent de plus en plus "bizarres"... alors que c'est bien la richesse qui rend nos existences compliquées. A méditer, nom d'un pangolin !
La "pleine conscience", la lucidité, la clairvoyance, impliquent pour chacun.e d'entre nous de voir que les partis extrémistes profitent beaucoup plus que les acteurs politiques modérés de l'utilisation des plateformes numériques telles que Facebook ou YouTube et y déclenchent des "épidémies de rage et de ressentiment". Les algorithmes sont conçus pour retenir le plus longtemps possible l'attention des usagers. Pour ce faire, les émotions négatives - indignation, peur, perception d'un préjudice, victimisation, insulte, polémique... - sont les plus efficaces !
La technologie du Web permet de cibler individuellement en temps réel les usagers en fonction de leurs craintes ou de leurs attentes. Les profiteurs du chaos n'ont pas besoin de travailler à la cohérence de leurs discours : il leur suffit d'additionner tous les votes de colère et de les capter le jour du scrutin ! Situation réplicable partout, y compris en France. Vous avez dit "pleine conscience" ?!
" Plus je vieillis, plus je trouve que je ne peux vivre qu’avec les êtres qui vous libèrent
et qui vous aiment d’une affection aussi légère à porter que forte à éprouver. "
Albert Camus
Des livres et vous
"Impostures mystiques" Joachim Bouflet, spécialiste des phénomènes de piété populaire.
"La Colère et l'Envie" Alice Renard (révélation à 21 ans ! Jeune prodige à la plume incandescente. Sa fulgurance enchante autant qu'elle bouleverse.)
"Politiser le bien-être" Camille Teste (comment les pratiques de bien-être pourraient être de puissants outils d'émancipation et de changement politique...)
"Un si grand désir de silence" Anne Le Maître
"Son odeur après la pluie" Cédric Sapin-Dufour (célébration de la Nature, beauté d'une rencontre, élargissement du monde : premier récit, succès inattendu.)
Sites
Musiques
"Forever Means" Angel Olsen (on balance entre abandon total, éblouissement, dont l'absolu moment de grâce Forever Means...)
"The Great White Sea Eagle" James Yorkston (disque solaire... écouter aussi le magnifique The Wide, Wide River)
"Carvings" Juni Habel (jeune Norvégienne, ces chansons sont les joyaux de ce trésor d'intimité)
"Toil and Trouble" Angelo de Augustine (musique douce et enveloppante, mélange de délicatesse et d'extravagance)
"The Chopin Project" Camille Thomas (violoncelliste belge top niveau + Jane Birkin + musique de chambre + quatuor à cordes, 3 cd 220 min. = un bijou !)
"L’homme est fou. Il adore un Dieu invisible et détruit une nature visible, inconscient que la Nature qu’il détruit est le Dieu qu’il vénère. »Hubert Reeves
" Ne faîtes jamais d'économie de beauté " dit Shantidas " car la laideur comme la tristesse et l'ennui sont le signe d'une dégradation de l'homme : une maladie spirituelle ". " La réalité doit redevenir à nos yeux ce qu'elle est : belle et sacrée, œuvre, signe et don de la Vie, digne de notre respect et de notre peine. Une invitation à la tenue, à la beauté des chants, de la danse, beauté des attitudes, des repas, des outils... Invitation à l'intériorité, au respect, à l'émerveillement et à la gratitude. " La société nous compartimente dans nos conditions, elle que nous croyons libérale. La nature, au contraire, nous accompagne et nous délivre, elle que nous croyons tyrannique. L'une s'annonce avec des lois idéales et elle nous matérialise. L'autre se tâte de la main et elle nous spiritualise." nous dit Pierre Mourand.
Plus haut, je nous ai parlé de la tendresse du toucher. Du courage de la tendresse osée alors que l'on s'évite par peur de... quoi au juste ? Témoigner jusqu'au bout de la puissance de la douceur, au cœur de nos contradictions, de nos incompréhensions. " Une "théologie tendre " signifie pour moi qu'elle se met au service de tout ce que notre humanité peut abandonner d'elle-même, nos faiblesses, nos défauts, nos erreurs. Qu'elle se donne comme seule réponse à nos déchirures. " nous dit Frédéric Boyer.
La tendresse comme une intensité de notre relation à autrui qui témoigne aussi de notre propre vulnérabilité. " Il y a une grâce de la tendresse qui donne gratuitement une attention, un soin que nous n'espérions pas ou plus. ". La tendresse comme un espace protecteur de compréhension et de réparation. Un espace de liberté où se réfugier sans avoir à apporter de justification.
" Le don d'un lieu humain où prendre repos. " nous dit encore FB. La tendresse aussi comme un rempart à nos propres désirs de domination et de pouvoir. Une théologie " tendre " s'interdit de " marcher dans les jardins de la grâce avec une brutalité effrayante " pour reprendre la magnifique expression de Robert Scholtus dans son dernier livre émouvant Car rien n'est jamais achevé.
La poésie, que je découvre depuis peu, travaille à bouleverser nos plans. Elle empêche toujours que l'existence soit une machinerie réglée. Elle excite nos sens et notre pensée dans des directions imprévisibles. Bientôt elle sera notre dernière liberté.... " Elle est cette hésitation entre le cri et le chant que nous portons au cœur et à la bouche depuis le premier matin " (Emmanuel Godo).
Novalis disait que " la poésie est la religion originaire de l'humanité ". Il y a dans la poésie une forme obstinée de désobéissance aux lois par lesquelles les puissants entendent régenter la vie des âmes. Une forme d'insurrection des consciences, pour résister à toutes les oppressions ! Dans ce monde qui nous fragmente et nous disperse pour mieux nous désorienter, elle nous permet de nous redécouvrir... humains. Simplement humains.
Doit - on s'accommoder de la pression ?
Quand on a rien ou peu à perdre, jusqu'où sommes-nous prêts à aller pour défendre nos intérêts ?
Dons des milliardaires, générosité ou opérations de communication ?
Sous la caresse des vagues d’un océan de feu
La Nuit s’étire dans les bras du ciel.
Le soleil comme un fruit posé entre ses lèvres
Luit et fond sur sa langue amoureuse.
Gourmande et vaste, elle embrasse le monde
Elle ondule, la Nuit, dans son lit de sel.
Elle ondule et s’endort, dans une mer d’amour
Emportant dans ses rêves un petit cœur de braise.
Charlotte Schwartz
Parenthèse contemplative : quand les nuages se taisent... Maranatha !
Belles fêtes de fin d'année : de la lumière, de la joie, de la légèreté, nom d'un pangolin !
Le mantra hippie reste plus que jamais d'actualité : " Faîtes l'amour... pas la guerre ! "
Jacques
NB : petit cadeau de fin d'année, réalisé par notre ami Jacques (l'autre !).
Il a tenu à m'inclure lors de son passage en BZH l'été dernier : https://youtu.be/sCL10yvHDwU?si=ZuFO2GtHqJ0ilb8G)_
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