jeudi 4 avril 2019

Lettre avril - 89em -

Bonjour, Bonsoir


"Que les gens sont absurdes !
Ils ne se servent jamais des libertés qu'ils possèdent,
mais réclament celles qu'ils ne possèdent pas."
Kierkegaard


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Sympathiquement, le C.A.


   "La solitude est une compagne exigeante qui nous remue souvent mais nous incite à nous dépasser. Elle est l'adversaire qui nous voit essayer de fuir dès qu'elle nous oblige à une certaine lucidité sur nous-mêmes, mais rattrapés par elle, nous ne pouvons que constater nos illusions et nos prétentions. "Il n'y a de vérité que dans la solitude, disait Jean Giono. C'est l'une des plus grandes joies de l'homme. Elle est l'exercice du courage. N'avoir avec les autres que des rapports de générosité, c'est la position la plus haute et la plus solitaire." Ce qui, en nous, refuse la solitude, ce n'est pas le besoin de relation mais la peur de la rencontre en profondeur avec nous-mêmes, avec ce qui échappe à notre conscience et que nous ne devinons qu'à travers nos malaises ou nos angoisses.

   Se construire non par le détour d'une image fabriquée en fonction d'autrui, celle-ci engendrant inévitablement une identité de surface, mais par rapport à ce que l'on est en profondeur et devenir vraiment sujet de son histoire personnelle, nécessite le silence et le retrait. C'est un travail de vérité toujours à reprendre, avec vigilance et à l'écart des sollicitations extérieures. "La solitude m'est nécessaire pour récapituler le monde, écrivait Jean Sulivan. Plus de deux jours avec des amis, ce qu'on appelle des amis, la tristesse s'abat, je me désagrège... Ou seulement des gens pour vous dire : Comment allez-vous, tu as bonne mine, tu as maigri, grossi, avez-vous passer une bonne journée, bien dormi ? Celà me détruit. L'avenir seul importe et l'instant."

   Chercher refuge au sein d'un groupe qui nous sécurise et induit nos façons de penser et d'agir représente souvent une facilité et une fuite. Faute d'intériorité, nous trouvons des subterfuges qui peuvent devenir à la longue des dépendances néfastes. Affronter les problèmes de l'existence et prendre en compte le réel, quitte à en souffrir, s'avère indispensable pour accéder à une certaine stabilité d'esprit et une paix intérieure. Rien de facile certes, tant ce travail personnel décapant brise nos protections et notre image idéalisée."
   Extrait du dernier message de mars, reçu de la Communauté de l'Esclache dans les Alpes de Haute-Provence où j'ai séjourné plusieurs fois dans leur vallée magnifique, perchée à 1100 m d'altitude.

   Leur fondateur, Jean de Taille, aujourd'hui décédé, continue : " Les hommes de notre temps sont victimes de leur image narcissique. Ils se fabriquent un être idéalisé qui mine à longueur de journée non seulement leur adaptation au réel, mais aussi toute leur vie relationnelle. Cette image leur permet tellement de vivre dans un faux confort que, bien souvent, ils refusent de la dépasser et continuent une vie de faux-semblants. L'idéalisme, sous quelque forme qu'il puisse se présenter, est non seulement aveuglant, mais totalement déréalisant.

   La cause en est simple : le désir de perfection intellectuellement vécu, non seulement est en contradiction avec le sens et le respect de la personne, mais aussi avec le sens du possible. On retrouve ici le besoin archaïque de toute-puissance et le désir fusionnel, au lieu du principe de réalité qui oblige à l'acceptation des limites. L'idéalisme est incompatible avec la vérité que l'homme doit faire un jour ou l'autre au fond de lui-même. L'homme accède au réel qu'en déposant son masque et ses armes, seraient-elles un projet de sainteté. Dieu lui-même n'exprime sa puissance que dans sa tendresse. Dur est ce chemin de vérité, c'est évident, dure est l'étreinte de Dieu, c'est encore plus évident, mais c'est le chemin qui donne la vie.

   Si notre croissance se développe à partir de notre histoire personnelle avec ses pesanteurs et ses limites, celles connues et celles que nous découvrons chaque jour, celles avec lesquelles il nous faudra toujours compter, nous ne sommes pas irrémédiablement lié à un passé. Nous avons à consentir à la vie, à un devenir qui ne se fera pas de façon spectaculaire, mais par une fidélité quotidienne, parfois âpre, dont nous ne pouvons pas faire l'économie. (...) Parvenu à ce stade, l'homme peut vraiment se sentir appelé par son nom, par un autre, que ce soit par Dieu, le Tout Autre, ou par une médiation humaine, et ce au niveau le plus profond de son être.

   Accepté dans sa fragilité et ses limites, l'homme ne cherche plus à s'identifier à un reflet, celui que lui renverraient les autres, c'est-à-dire finalement aux besoins que l'on pourrait avoir de lui : le rôle, l'acteur, le personnage mettant sa confiance dans le faire. Rester fixé à la recherche d'une identité imaginaire est beaucoup plus grave qu'on ne le pense. Lacan insiste beaucoup sur le fait qu'en vivant sur l'identité imaginaire, l'homme n'accède ni au réel, ni au symbolisme. L'identité symbolique ne prend pas source dans le reflet d'un miroir, mais dans un entendre. "Ecoute, mon fils, les instructions du maître et prête l'oreille de ton coeur ; accepte les conseils d'un vrai père et suis-les effectivement."
   Conclusion : ça décoiffe et ça fait du bien !



"Pour moi, la joie commence avec le plaisir sensuel
lorsqu'il s'accompagne de l'existence en général."
Charles Pépin


Des livres et vous :
"C'est une maison bleue. Confession d'un éternel hippie" Phil Polizatto
"Panta Rhei" Jean Bescond (le titre veut dire "tout coule", "tout change", "tout est mouvement" : l'ensemble est délicieux à lire)
"Nos intelligences multiples" Josef Schovanec (plaidoyer pour la diversité humaine, vu par un autiste docteur en philo qu'on adore !)
"Le souci des plaisirs. Construction d'une érotique solaire" Michel Onfray (particulièrement les 45 dernières pages : passer du mépris d'un Occident castrateur à un érotisme solaire inspiré de la spiritualité indienne = salvateur !)
"Ecrits spirituels" Jules Monchanin (fondateur avec Henri Le Saux de l'Ashram Shantivanam)
"Rencontres des spiritualités en Inde du sud. Carnets de voyage" Les Chemins de Shanti (www.cheminsdeshanti.fr)
"Henri Le Saux, le passeur entre deux rives" Marie-Madeleine Davy
"Einstein, le sexe et moi" Oliver Liron, autiste Asperger


Sites :
www.6moispourlabascule.fr (collectif citoyen qui s'implante en BZH)


Musiques :
"Quiet signs" Jessica Pratt (musique diaphane qui crée une très douce addiction...)
"All" Yann Tiersen (lumineux, contemplatif)
"Prezioso" Gianmaria Testa (il chante même quand il parle... émouvant au possible...)



"Le dur ne dure pas, seul dure le doux."
Michel Serres



   Petit conseil à vous qui êtes sur le chemin d'un accompagnement sur une voie de l'essentiel. Accompagnateur spirituel, késako ? Une femme, un homme qui, par sa présence, par son regard bienveillant, par son écoute profonde, mais aussi par sa connaissance des étapes de la vie spirituelle, aide l'accompagné à percevoir le travail de la grâce en lui et à y coopérer selon ses possibilités. Il soutient, encourage, modère, redonne force. Il apprend également à attendre pour ne s'engager que quand une décision est mûre. Un bon accompagnateur est rare, c'est un don. C'est une personne d'expérience et d'intériorité, humble et charitable, bien formé et d'une discrétion totale. Une totale liberté est requise : l'accompagnement doit pouvoir s'interrompre quand l'une des parties le souhaite, sans justification. En outre, cette relation doit toujours être totalement gratuite, dans tous le sens du mot....
   C'était ma rubrique "petit conseil pour arrêter de se faire avoir par tous les prédateurs spirituels qui courent les rues"....
  
   Devant notre précarité existentielle, une seule solution : arrêtez de faire les cons, de nous comporter comme des adulescents ! Stopper nos stupidités, rendre grâce pour la beauté de la Vie, arrêter de régler nos "comptes psychiques" avec les autres, entretenir le feu présent en chaque être, la douce brûlure de nos inquiétudes, la contemplation ininterrompue de la création devant nos yeux grands ouverts, la tendresse de nos âmes, la vie sans pourquoi, la célébration de l'instant présent tel un cadeau, l'amplification de notre gentillesse autour de nous, dire plus souvent je t'aime, pardon, merci....

   Petit rappel de dernière minute : la famille peut être le berceau ou le tombeau de l'Etre. A méditer....
   Bises de printemps fleuri-doux,
   Jacques