mercredi 17 janvier 2024

 Newslaitue janvier 2024 - 143eme -

Bonjour, ou Bonsoir

" A chaque fois qu'il y a des crises,
il y a des réflexes pour expliquer par le surnaturel ce qui nous arrive. "
Tanguy Chatel

   Je suis, comme beaucoup d'entre vous j'imagine, un peu perdu dans le monde actuel, sa violence, ses métamorphoses à la fois techniques et éthiques, sa situation de crise face aux dérèglements écologiques qui affectent notre condition humaine. Crise du vivant, qui appelle de pouvoir reconsidérer de fond en comble notre relation à la Création. Notre puissance ne doit plus se penser en termes de conquête et de pouvoir sur les corps et les âmes, mais comme présence de chacun à tous et de tous à chacun. Être dans la " pleine conscience " ce n'est pas être procureur mais témoin de notre infinie responsabilité face au désastre. Qui nous aidera à " gagner les hauteurs " ? Réaffirmer notre humanité ?  Ne soyons pas paresseux intellectuellement, émotionnellement. Ne voyons pas seulement une partie de la réalité. Essayons d'apprécier la complexité de la situation et réfléchissons de manière constructive à la façon dont nous pourrons, un jour, vivre en paix. 

   " Si nous pouvions créer une civilisation humaine de huit milliards de personnes vivant dans un équilibre durable avec la biosphère, ne serait-ce pas un aboutissement extraordinaire ? " nous demande Kim Stanley Robinson, 71 ans, l'un des plus grands auteurs américain de science-fiction contemporains, dans son ouvrage Le Ministère du futur, qui déroule un scénario réaliste de la façon dont l'humanité peut, au cours des trente prochaines années, surmonter la crise climatique. Méditer et militer, dès janvier ?!...

   Il y a d'autres manières de réussir sa vie que d'amasser de l'argent. " Mon porte-monnaie est vide, mais ma vie est riche et réussie " nous disait l'Abbé Pierre. Je pense aussi aux réseaux sociaux, que je refuse de fréquenter car je préfère la rencontre avec l'autre, celle où l'on s'expose. Les réseaux sociaux ont ouvert les portes de la haine et de la délation. C'est un déversoir où l'on peut vomir plutôt que construire. A méditer !  " Être un type bien dans la vie, cela demande des efforts, c'est une démarche. " nous dit Olivier Gorce, coscénariste du film L'Abbé Pierre, une vie de combats. Dans la vraie vie comme sur les réseaux sociaux. Gagnons en hauteur !
   C'est dans cette décennie qu'il faut agir. Inventer et mettre en œuvre un nouveau modèle prendrait trop de temps. L'utopie est l'espoir de notre temps ! Extinction ou construction ? Il est deux sortes de gens selon Robert Scholtus " les doctrinaires et les poètes "" les propagandistes du système " et " les êtres du désir "
   Vous vous situez où, vous ?...

   L'humoriste Sophia Aram, dans son nouveau spectacle Le Monde d'après s'empare de l'actualité. Drôle et engagée, elle cible les populistes, complotistes et autres "timbrés", tout en faisant l'éloge du dialogue et de la nuance. " Je parle des antivax, des admirateurs de Poutine, plus généralement de tous les timbrés qui nous fatiguent et qui occupent pas mal d'espace. Espace médiatique, mais aussi espace dans nos cerveaux. Nos têtes deviennent des poubelles dans lesquelles s'insèrent pas mal de trucs dégueulasses. Nos esprits sont encombrés et parasités en permanence. On a l'impression que ce n'est plus possible de dire ce que l'on pense. Il y a des sujets non négociables : la laïcité et l'universalisme. C'est mon socle. Je me bats contre ceux qui font du misérabilisme et de la victimisation un programme (suivez mon regard... !)L'extrême droite n'est pas fréquentable. Point !  

   Même cachée derrière des petits chatons. On ne résout rien en agitant les peurs, en attisant les braises ou en promettant le grand soir. Quand quelqu'un fait l'éloge de la nuance, c'est moins sexy que quelqu'un qui propose le feu, les larmes, le sang, mais c'est comme ça que nous avancerons. Évidemment il y a des timbrés, évidemment il y a des cons. Ils seront là. Ils seront toujours là. Je pense que la majorité silencieuse et raisonnable existe. La pondération est de plus en plus reconnue comme une valeur et pas comme un signe de faiblesse. C'est plutôt rassurant. Il y a des gens nuancés, de tous bords, avec qui on peut discuter, débattre, se retrouver sur un socle essentiel : la République. Je suis convaincue que nous sommes nombreux, y compris dans la jeunesse, à ne pas rêver de révolution permanente ! C'est ce que je ressens. Les gens ont envie de nuances. Ils veulent des débats sereins. On a envie d'un tout petit peu de hauteur, sans démagogie. C'est plus compliqué d'être nuancé que d'être démagogue, mais il ne faut surtout pas laisser le champ à ceux qui gueulent le plus fort. " Voilà, c'est dit !

   29% des Français ne perçoivent ni le sens ni l'utilité de leur emploi, selon une étude menée par Projet Sens en juillet dernier. Comme dit la chanson " c'est pas la joie " au boulot pour un tiers des travailleurs ! Ce qui nous demande ici de redéfinir un peu ce qu'est la Joie. Première caractéristique : elle est gratuite. Elle existe en soi, sans autre raison qu'elle-même. André Gide disait : " On appelle joie cet état de l'être qui n'a besoin de rien pour se sentir heureux. " La vraie joie est pure joie de vivre, joie d'être. Elle peut se signaler par un rire, un sourire ou être intériorisée et prendre les couleurs de la sérénité ou de l'émerveillement, se manifestant par la brillance du regard. Le feu de la joie se situe à l'intérieur de nous. Il implique corps, âme, esprit. C'est se sentir participer au vivant. C'est là que nous retrouvons les 29% qui sans doute ne se sentent pas participer au "vivant" dans leur boulot.... A méditer fissa camarades !

   Le pessimisme n'invite pas à l'inaction. 
   Il faut toujours se battre pour améliorer et transformer le monde. 
   Le pessimisme n'est pas le défaitisme. 
   Je suis un pessimiste qui espère !

«Soyez comme l'oiseau posé pour un instant sur des rameaux trop frêles,
qui sent plier la branche

et qui chante pourtant,
sachant qu'il a des ailes.»
Victor Hugo


" Si l'on nettoyait les portes de la perception,
toutes les choses apparaîtraient telles qu'elles sont,
c'est-à-dire infinies. "
William Blake

Des livres et vous
" Lire, c'est accepter d'être déplacé et dérangé dans nos représentations et nos affirmations. Sinon, comment accueillir "ce qui vient" ? " Frédéric Boyer
"Sagesse du politique : le devenir des démocraties" Perrine Simon-Nahum, historienne et philosophe
"Seuls les enfants changent le monde " Jean Birnbaum (faire rimer enfance et espérance à l'heure du non-désir d'enfant...)
"Les Ingénieurs du chaos" Giuliano da Empoli (pour comprendre l'articulation du national populisme et des réseaux sociaux : urgence de lucidité, camarades !)
"La Conversation des sexes. Philosophie du consentement" Manon Garcia, philosophe
"Réinventer l'amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles" Mona Chollet, essayiste

Sites
"Healing Rituals" Naïssam Jalal (répertoire méditatif pour soigner les âmes et soulager les corps)
"Whisper Me a Tree" Olivia Gay (a le goût d'accorder son violoncelle au chant des oiseaux...)
"A Time to Remember" Elina Duni (plane au-dessus des frontières et ouvre l'horizon)
"I inside the old tear dying" PJ Harvey (empreint de sérénité, mélodies iridescentes, textes intemporels, elle étonne et passionne plus que jamais)
"Mémoire de forme" Pierre Rousseau (avec le sens de la micro-mélodie addictive. Un délice !)


" Mettre de l'ordre dans le quotidien, c'est cela le changement,
et pas quelque chose d'extraordinaire en dehors du monde."
Krishnamurti

   La mort est moins visible qu'avant, moins familière, mais frappe toujours autant : selon les dernières estimations, 100% des humains seraient concernés ! Parler de la mort ne fait pas mourir.... Peut-on se préparer à mourir ? C'est la direction vers laquelle nous allons tous... en prenant souvent bien soin de regarder ailleurs ! Derrière cette question, ce qui palpite c'est la vie. Pour mourir, c'est comme pour vivre, il faut lâcher prise. De toute façon, il y aura des larmes... celles qui arrivent avant aident à construire l'après. On pense que ce sont les vivants qui ferment les yeux des morts,mais ce sont les morts qui ouvrent les yeux des vivants. C'est souvent lorsqu'on perd un proche qu'on est amené à se demander ce qu'on souhaite pour soi. La maladie amène à se poser les bonnes questions. C'est dommage de l'attendre pour prendre soin de soi. Les chanceux qui se portent bien devraient-ils avoir leur fin de vie en ligne de mire ? Pas tout le temps, mais un peu, pour mieux la savourer. On pourrait préparer sa mort comme tout grand moment de la vie. On en est loin ! S'en préoccuper, c'est un acte généreux. " Parler de la mort ne fait pas mourir ! " résume Claire Fourcade, médecin.

   Perso, j'ai failli mourir plusieurs fois étant enfant à cause de l'asthme. C'est sans doute ce qui a déclenché ma quête spirituelle à l'adolescence. Quête vers l'Orient d'abord, puis l'Occident ensuite. Face à la mort, ouvrir les mains.... Philosopher, c'est apprendre à mourir. " Refuser de mourir, c'est ne pas avoir accepté de vivre. Nous avons reçu la vie à charge de mourir. " nous dit Sénèque.  " Quittons la vie de bonne humeur, comme tombe une olive mûre, qui bénit la terre qui l'a nourrie et rend grâce à l'arbre qui l'a fait pousser. " signe Marc Aurèle" Ne sais-tu pas que maladie et mort doivent nous saisir au milieu de quelque occupation ? Elles saisissent le laboureur dans son labour, le matelot dans sa navigation. Et toi, dans quelle occupation veux-tu être saisi ?" nous demande Epictète.
   Prononcés sur le lit de mort ou gravés sur une pierre tombale, les mots de la fin font forte impression. 
   Sur le lit : 
. " C'est bien. " Emmanuel Kant
" Ne pleurez pas pour moi : je vais là où la musique est née." Jean-Sébastien Bach
" Buvez à ma santé ! " Pablo Picasso
   Sur la tombe : 
. " J'aurai l'air d'être mort, et ce ne sera pas vrai.",
. " Je t'ai adorée tu me l'as rendu au centuple, merci la vie. ",
. " Je pars les mains vides, et le coeur rempli d'attentes. " 
   Et après tout, serait-ce une vie de réfléchir sans cesse à sa fin ? Ou est-ce, au contraire, la vivre vraiment que de la savoir fugace ? Les enfants grandissent. Les pourquoi aussi. Vivre la vie comme elle est, imprévisible, précieuse et fragile. Vivre maintenant, pleinement. À méditer mes amis... mortels !

   Nous fêtons ce mois-ci les 17 années d'existence de notre association EPHATA. Nous gardons un réel bonheur d'avoir accueilli toutes ces riches personnes : Jacques Musset, Dr Yves Prigent, Pierre Milcent, Georges Romey, Jean-Albert Guénégan, Bernard Feillet, Catherine Preljocaj, Dr Frédéric Rosenfeld, Robert Scholtus, Alina Reyes, André Comte-Sponville, Thomas d'Ansembourg, Fabrice Midal, Xavier Péron, Bertrand Vergely, Alain Aubry-Mouvement Colibris, Dennis Gira, Jean-Baptiste de Foucauld, Pierre Rabhi, Guy Corneau, Philippe Mac Leod, Michel Cazenave, Marie Milis, Dr Jacques Vigne, Pierre Chamard-Bois, Mohammed Taleb, Josef Schovanec, Jean-Pierre Le Danff, Axel Kahn, Eric Clotuche, Yves Dutriez, Jacques de Foïard - Brown.
   Que gardez-vous aujourd'hui de leurs passages ? En quoi vivent-elles encore en vous ? Continuent-elles à inspirer votre quotidien ? 
   Certaines ne sont plus de ce monde, mais leur présence se fait toujours palpable, ne serait-ce qu'à travers les écrits, les vidéos, qu'elles nous ont laissé : Yves Prigent, Georges Romey, Guy Corneau, Michel Cazenave, Axel Kahn, Pierre Chamard-Bois, Pierre Milcent, Pierre Rabhi, Philippe Mac Leod, Bernard Feillet. Et puis il y en a un que l'on a invité à plusieurs reprises. Il a toujours gentiment décliné par quelques mots bleus sur une carte postale. Le délicieux Christian Bobin. Lui, nous ne sommes pas prêts de l'oublier.

   Notre association a rarement fricoté avec le bien-être. Elle se situe plutôt vers le plus-être. Autrement difficile à atteindre. Le bien-être est un univers qui, dans son ensemble, constitue un gigantesque marché, générateur d'un chiffre d'affaires annuel de 4 400 milliards de dollars à l'échelle mondiale (rapports du Global Wellness Institute réalisés entre 2019 et 2022) et qui, en vingt ans, s'est imposé comme l'une des poules aux oeufs d'or du capitalisme. Je crois que les espaces de bien-être font partie des lieux où les idéologies dominantes se diffusent le plus efficacement. Plusieurs livres, médias et œuvres de fiction se sont emparés du sujet pour en dénoncer la dimension individualiste, superficielle, autocentrée, voire hygiéniste. Rien à voir avec " le monde d'après " ! L'avènement du bien-être a offert un nouveau terrain de jeu à des idéologies complotistes, réactionnaires, voire fascisantes. Alors que les pratiques de bien-être devraient contribuer à l'émancipation des individus, faciliter les luttes, "rendre la révolution irrésistible" (Toni Cade Bambara, activiste autrice afro-américaine)

   Incarner une promesse de douceur, de sensualité et de plaisir, pour un horizon plutôt désirable. Comment ? En créant des espaces d'où sont exempts les injonctions normatives, les discriminations, les oppressions et les rapports de pouvoir. On peut rêver ! Ces possibles ne sont pas des inévitables (voir le collectif Gras politique qui a élaboré des cours de yogras pour des personnes grosses). Faire germer une culture où s'adapter les uns aux autres est devenu normal ne peut qu'améliorer la vie collective. Cette culture de l'adaptation est une richesse. Nous aurions tout intérêt à opter pour des pratiques qui nous permettent de résister au système en nous y " désadaptant " ! Horizontaliser le bien-être. Sortir de la binarité. Respecter les cultures des autres. Se désadapter. Exiger la lenteur. Bouter la croissance hors de nos corps. Prendre sa place. Revendiquer le plaisir. Cultiver la vulnérabilité. Défendre une approche systémique. Retisser nos liens avec le monde. Revendiquer une spiritualité engagée. 
   Alors... c'est quand le changement ? En 2024 ?!

   Et vous, quelles notes vous trottent dans la tête ?
   Où souffle le vent de la " plénitude" ?
   Qu'attendons-nous pour être heureux ? Sourire mobilise 15 muscles, mais faire la gueule en sollicite 40. Reposez-vous : souriez !
   " Je voudrais des bras autour de mes épaules, des baisers, un rire, juste pour m'endormir. " Danièle Laufer. Et vous ?...
   " Meilleurs Voeux 2024 " à vous qui me lisez,
   Jacques

PS : petit cadeau de Nouvel An = https://m.youtube.com/watch?v=WOFyM0jQTPU