lundi 10 juin 2019

Lettre juin - 91eme -

Bonsoir ou Bonjour,


"Il est tellement plus simple de vivre comme tout le monde
et de renoncer à soi pour ne pas déplaire aux autres."
Jacques Breton


   Tout d'abord, merci merci merci pour vos courriels trop sympas, vous qui avez souhaité continuer à recevoir ma Lettre. Vos mots hyper encourageants, qui nous font être sur la même longueur d'onde bien souvent. Même gentillesse, sensibilité, ouverture, curiosité, douce ironie spirituelle, poésie et sensualité, lucidité et humour toujours.
   Mon souhait : vous croiser un jour, ici ou là, en BZH ou chez vous, lors d'un de mes séjours-retraites ou randos. Je caresse quelques projets à partager, dont je vous ferais part plus tard, en vue de ma retraite qui approche (2020).
   Gardons le fil de la com' entre nous....

   "La vie spirituelle est affaire de marin ! Nous sommes tous appelés à partir au large, à traverser calmes et tempêtes, à survivre à des naufrages : non pas à nous fixer quelque part, mais à nous arrimer au plus vivant. Autrefois on nommait les marins des "réguliers". Aujourd'hui, nous sommes devenus des séculiers ! Nous ne connaissons plus le sacré de la nuit et nous ne nous mesurons plus à la ronde des étoiles. Perdus en mer, nous sommes les "irréguliers" de la vie", nous titille Charlotte Jousseaume, écrivaine délicieuse.

   Dernier petit bijou, lu en une soirée, quelques extraits pour vous : "Ce qu'il faut dire avec force dès le début de ce petit livre, c'est que personne n'est sûr de rien. Il n'y a que deux choses de sûres parmi tant de choses possibles et douteuses. La première : nous sommes nés. La seconde : nous mourrons. Autant que toute mort, et peut-être plus encore, toute naissance est une énigme. Notre vie ne nous appartient pas. Nous ne l'avons ni voulue, ni choisie, ni même acceptée. Elle nous est donnée - ou plutôt prêtée - de force. Elle nous est fourguée en usufruit. Ou peut-être imposée. Nous sommes peut-être, en partie, responsables de notre vie. Nous ne sommes jamais responsables de notre naissance.
   Vivre est une occupation de tous les instants. Une expérience du plus vif intérêt. Une aventure unique. Le plus réussi des romans.Souvent un emmerdement. Trop souvent une souffrance. Parfois, pourquoi pas ? une chance et une grâce. Toujours une surprise et un étonnement à qui il arrive de se changer en stupeur. Nous sommes très loin d'être tout-puissants. Mais ce qu'il y a d'excitant dans une vie, si brève, si terne soit-elle, c'est que presque tout est permis aux vivants. Ce monde et cette vie sont un rêve et un délice. Quelle qu'elle soit, la vie est belle, toujours trop courte. Dans le bonheur, dans le plaisir, dans l'amour, la vie est une bénédiction.

   Il n'est pas impossible que, loin de présenter ce caractère de réalité solide et durable que nous lui prêtons volontiers, le monde et la vie ne soient qu'une illusion, un long songe collectif, continu et plus ou moins cohérent. La vérité est que nous ne savons rien de notre destin dans ce monde et dans cette vie qui, songe ou réalité, nous paraissent l'évidence même. Il faut toujours se méfier de la trompeuse évidence. Il faut attendre la vie pour qu'un semblant de sens s'introduise dans ce semblant de présence. La vie, dès sa jeunesse, dès ses débuts, est faite pour passer. Elle naît, elle meurt, elle renaît ailleurs.

   Ce qui va marquer les hommes en train de se hisser au-dessus des primates qui s'étaient hisser au-dessus de la matière, c'est l'orgueil. Devenir un homme ou une femme quand vous êtes un primate est une tâche longue et semée d'embûches. A la limite, ce sont les plus faibles, les rêveurs, les demeurés, les poètes qui se sont mis à penser et qui l'ont emporté sur les plus rapides et les plus forts. L'essentiel est encore ailleurs. La pensée transforme l'univers. Elle le change en autre chose. Elle ne cesse jamais de lui apporter du nouveau. Elle y introduit la surprise et l'attente. Elle le colore. Elle l'anime. Elle en fait un théatre où chacun joue son rôle, une oeuvre d'art, un trésor. Elle suffit à l'enchanter. La pensée des hommes est l'enchantement du monde. Nous ne sommes que des benêts frappés d'émerveillement.

   La science elle-même ne peut pas péter plus haut que son cul. Très capable d'apaiser notre curiosité, elle est incapable d'apaiser notre angoisse. Le mot qui correspond et convient à tout ce qui échappe à la science et qui est peut-être l'essentiel, c'est le mot croire. Croire est plus faible que savoir. Croire prend sa revanche dans l'ordre des espérances, des aspirations et des convictions. La foi est une croyance. Elle peut accompagner toute une vie. Elle peut aussi surgir soudain et bouleverser votre existence. La foi est mêlée d'ignorance. Croire est une grande chance. La foi est un bonheur. Plus puissante encore que la pensée, elle soulève des montagnes. Elle éclaire le monde d'une lumière venue d'ailleurs. Avec elle et par elle, l'histoire est justifiée. Merci pour les roses et merci pour les épines.

   La foi est si précieuse, elle est si ambiguë, elle nous dépasse de si loin que nous l'appelons la grâce. D'inspiration céleste, la grâce a aussi une jolie carrière laïque. Plus belle que la beauté, enchanteresse. J'ai remplacé la foi par l'espérance. Ce que ce monde, dans l'espérance, peut faire de mieux, c'est de nous servir de passage. Nous n'avons plus pour ressources que la naïveté et la gaieté. Dieu pose autant de problèmes que le hasard. Il est une invention des hommes. L'idée que les hommes se font de Dieu est plus humaine que divine. Dieu est un mystère. Dieu n'a pas d'autre existence que celle que nous nous efforçons de lui prêter. Personne ne l'a jamais vu. Chacun peut s'en passer. Dieu est assez peu probable. Dieu a toutes les apparences d'une illusion consolatrice. Dieu est invraisemblable. Je prétends qu'il peut exister. Je prétend que rien ne s'oppose à son existence. Je prétends qu'il a le droit d'exister. C'est comme un coin de ciel bleu au terme d'une journée plutôt sombre."
   Tiré du livre-testament de l'un de mes maîtres à penser : Jean d'Ormesson himself.


"La vie est un pont : traversez-là mais n'y faîtes pas votre demeure."
Sainte Catherine de Sienne



Livres et vous
"Le livre des Anges" Lydie Dattas
"Libre de soi, libre de tout" Shunryu Suzuki (un grand maître zen)
"J'ai décidé de vivre" David Milliat (présentateur télé lumineux qui a perdu ses deux parents quand il avait 6 ans. Une blessure inguérissable dont il témoigne avec profondeur...)
"Délabyrinthez vos sentiments." Edmond Rostand
"La mécanique du ciel" CharlElie Couture
"La démocratie des émotions" Loïc Blondiaux/Christophe Traïni (édifiant, formateur, stimulant)
"La vraie vie" Adeline Dieudonné (roman fou d'une jeune Belge pétrie de pop culture)
"Un hosannah sans fin" Jean d'Ormesson ("Nous ne sommes que des benêts frappés d'émerveillement")


Sites
www.crepegeorgette.com (blog féministe lucide)


Musiques pour l'âme (et l'esprit)
"Songs of the degrees" Yaron Herman (l'occasion d'être saisie par l'indéfini mouvant des sentiments, le mystère de la suggestion et le frisson de l'étonnement...)
"Titanic rising" Weyes Blood (l'une des plus belles voix actuelles, compositions renversantes)
"Fauré, piano music" Nicolas Stavy (délicatesse, mélodie gracile, transparence, raffinement)
"Designer" Aldous Harding (voix multiforme, vibrante intensité folk)






"Après tout, la spiritualité n'est-elle pas l'absence de toute convention
 et le désir de rechercher le vrai où qu'il se trouve,
même à travers nos boucliers modernes ?"
Christian Bobin



   Les hommes des sociétés prospères sont d'éternels frustrés, et ils le manifestent sans pudeur alors que des millions d'habitants de la planète souffrent de faim ou meurent sous les balles. Le nez dans l'assiette du voisin, l'individu moderne ne s'autorise pas à être heureux de ce que la société redistribue en sa faveur. Il est vrai qu'il est difficile de ne pas succomber aux délices de la consommation. Faut-il souhaiter une catastrophe écologique, financière ou politique pour sortir de nos névroses ? Certes, non.
   L'individu moderne est introuvable. Ses réflexes politiques sont souvent surannés, et son maigre destin se résume à la perspective de fêtes entre copains le samedi et aux prochaines vacances. Au-delà des apparences, il baigne souvent dans une tristesse qui alimente sa haine des élites. On ne peut que lui souhaiter de sortir de ses obsessions, de voyager hors des sentiers battus, de penser le monde comme une chance incroyable. L'individu sortant de sa coquille est dans la jeunesse d'aujourd'hui.
   Je nous souhaite de sortir de notre "zone de confort", si nous ne voulons pas devenir vieux avant l'heure.
   Et je salue quelques jeunes vieux débordant de spiritualité qui nous quittent trop tôt vers le Paradis Blanc : Jean Vanier, Anémone, JP Marielle, Pierre C-B, Philippe Mac Leod, Yan-Fanch Kéméner, Françoise,....

Bises fleuries, colorées, enamourées, sucrées-salées, et davantage si affinités....
Jacques






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